En 1997, lorsque le musical de The Lion King fit ses débuts à New York, un critique a décrit le spectacle avec les mots suivants : " Broadway n’a jamais rien vu de tel auparavant ! ". On ne doit pas prendre trop de risques en écrivant aujourd’hui la même chose en remplaçant Broadway par Paris. Car la version française du musical qui a débarqué au Théâtre Mogador jeudi dernier est largement à la hauteur de l’original...
On aurait tort de comparer ce Roi Lion de Disney à une comédie musicale à la française telle que celle portant le nom d’un autre roi célèbre de Versailles. Ici, pas de tournée, puisque le spectacle se jouera à Mogador et exclusivement à Mogador. Stéphane Huard, PDG de Stage Entertainment France qui produit le spectacle, explique qu’il s’agit d’un show en « open-end », c'est-à-dire qu’il sera joué tous les soirs tant que le public viendra. Et au vu du succès que remporte le spectacle dans tous les pays où il a été adapté, il n’y a pas trop d’inquiétude à se faire quant au destin radieux qui attend cette production.Le double évènement
Dix ans après sa grande première à Broadway, la mise en scène de Julie Taymor n’a pas changé d’un iota et fonctionne toujours à merveille. Pendant plus de 2h30, les quelques 115 artistes qui officient sur scène et en coulisses transportent les 1600 spectateurs du théâtre entièrement rénové jusqu’en Afrique où se déroule toute l’intrigue. La réalisatrice de « Titus » (1999) et de « Frida » (2001) a en effet mis à profit toute son expérience dans le théâtre et l’opéra pour développer pour ce Roi Lion un type de mise en scène inédit qu’elle a baptisé le double-évènement.
Au lieu de faire un dessin animé sur scène, animal et enfantin, elle a décidé de ne pas cacher le visage des comédiens-chanteurs. Pour autant, il fallait trouver un moyen de faire ressortir leur animalité, et elle y est parvenu en faisant usage des nombreux masques qu’elle a conçu. Lors d’une scène, on peut ainsi observer le visage de l’acteur et son jeu, mais aussi le masque du lion au-dessus de sa tête, qui agit comme un deuxième visage tout aussi expressif. La manière dont ce système est utilisé fait appel à tout un tas de trouvailles toutes plus étonnantes les unes que les autres. Elle s’explique : « L’un des éléments forts du film tient à la richesse humaine des animaux. Leurs voix, le style de leurs dialogues, leurs expressions faciales traduisent parfaitement l’humour et le pathos de l’oeuvre. Etant donné la dualité ironique du spectacle sur scène – les personnages sont à la fois des humains et des animaux – il devint primordial, dans la mise en scène, de ne pas cacher l’acteur derrière un masque ou à l’intérieur de la combinaison d’un animal. Je voulais que l’être humain soit un élément essentiel de la stylisation. »
Le casting français
Mais jusqu’ici rien de bien nouveau pour ceux qui connaissaient déjà les autres versions du spectacle. Le défi relevé par l’équipe de production française était bel et bien de réussir un casting sans faille. Et elle a fait mouche en allant chercher l’interprète de Rafiki jusqu’en Afrique du Sud en la personne de Zama Magudulela. Après avoir officié sur les versions australienne, chinoise et allemande du Roi Lion entre 2003 et 2006, l’artiste a dû apprendre le français et répéter tout l’été avec le reste de l’équipe pour arriver au résultat que l’on voit sur scène. Elle a en effet un rôle clé dans le spectacle puisqu’elle interprète les chansons d’introduction et de conclusion du spectacle, à savoir « Le Cercle de la Vie » (« L’Histoire de la Vie » dans le dessin animé).
Les autres chanteurs, comédiens et danseurs ont pour la plupart été recrutés en France. On retrouve ainsi Jee-L dans le rôle de Mufasa, le père de Simba trahi par son frère Scar. On connaît surtout le chanteur pour sa prestation dans la Star Academy en 2005. Même si ce CV pourrait faire peur, on est tout de suite rassurés dès son entrée en scène tant son jeu est maîtrisé du début jusqu’à la fin. Un rôle fait pour lui. Incontestablement la meilleure surprise de ce casting français.
Autre inconnue du grand public, Léah Vincent interprète le rôle féminin principal de l’histoire : Nala, qui tombe amoureuse de Simba. On découvre à travers son personnage une comédienne et chanteuse pleine de charme qui nous émeut par sa prestance et l’émotion qui transparaît en permanence sur son visage. Une autre bonne surprise à laquelle on peut ajouter Olivier Breitman, autrement dit le méchant de l’histoire : Scar l’oncle déchu et jaloux. Il incarne à merveille ce personnage hautain, ambitieux et méprisant, aidé par un maquillage élaboré.
La seule ombre au tableau pourrait être celle de Jérémy Fontanet, qui a décroché le rôle de Simba, le Roi Lion adulte. Si le jeune artiste est un parfait chanteur, on regrettera sa prestation jouée qui mériterait d’être mieux articulée. Jérémy en étant à ses débuts, on lui pardonnera ses hésitations même s’il lui reste encore beaucoup de travail pour arriver à un niveau digne de cette mégaproduction.
Décors et costumes
Un spectacle de 2h30, cela peut paraître long mais celui-ci semble durer moitié moins. Grâce à son histoire très célèbre et ses chansons enlevées, le spectacle se déroule sous nos yeux sans que l’on puisse voir le temps passer.
L’introduction à elle seule bat des records d’inventivité en nous mettant dans l’ambiance du musical dès les premiers instants. Comme dans le dessin animé, le singe Rafiki présente Simba, le film du roi Mufasa à tous les animaux de la savane. Et ici encore comme au cinéma, oiseaux, éléphants, gazelles, buffles et bien d’autres envahissent la scène mais aussi la salle pour converger vers un rocher du lion qui vient dominer le théâtre d’une façon magistrale. On n’en dira pas plus…
Loin de se limiter à la simple représentation d’animaux de la savane, les costumes interviennent comme autant de personnages. Le paysage par exemple ne se contente pas d’être représenté par une toile de fond. Il vit et bouge sur scène, incarné par de vrais danseurs. Une stylisation de plus souhaitée par Julie Taymor, décidément très inspirée.
Un théâtre entièrement remis à neuf et agrandi
A Paris, le spectacle se joue au mythique Théâtre Mogador près de l’Opéra Garnier. Racheté par Stage Entertainment France, il vient de sortir d’une longue phase de travaux lors de laquelle la salle et les espaces d’accueil ont entièrement été refaits à neuf. En devenant propriétaire des deux immeubles adjacents au théâtre, la production a pu installer ses bureaux dans le théâtre même, après avoir pris soin de revoir l’inclinaison des balcons du théâtre pour une visibilité améliorée, de construire un réfectoire et des espaces de relaxation pour toute l’équipe du spectacle, et d’améliorer l’équipement scénique. Ce ne sont pas moins de 4000 mètres cubes de terre qui ont été extraits pour creuser le nouveau sous-sol du théâtre et notamment augmenter la hauteur de la cage scénique, l’équipement nécessaire sous la scène pour assurer la mise en place des décors étant de 15 mètres.
Depuis l’inauguration du nouveau Mogador le 25 septembre dernier, les 1000m² de salons du théâtre sont disponibles à la location pour les professionnels désireux d’organiser un évènement pour leur entreprise dans un cadre classique.
L’adaptation française
Stéphane Laporte, qui s’est illustré à de nombreuses reprises dans des adaptations de spectacles de théâtre musical, est à l’origine du texte de cette version française. Il a tenu à ne pas voir le film avant de commencer son travail, ce qui explique que les paroles des chansons n’aient pratiquement rien à voir avec les textes que l’on peut déjà connaître par ailleurs. Un détail qui pourrait passer inaperçu si seulement quelques fautes de goût n’avaient pas été commises. Les hyènes n’hésitent ainsi pas à parler en « verlan », ce qui peut enlever du prestige à la production.
En bref, Le Roi Lion est un divertissement haut de gamme qui frôle la perfection. Il reste pourtant un spectacle rugissant et haut en couleurs, de très grande qualité. Son principal défaut réside donc dans la politique de prix pratiqués par Stage Entertainment, les billets se vendant entre 26 et 99€ en fonction des catégories. Mais quand on aime on ne compte pas…