Ce vendredi soir, au supermarché, c'était le dernier vendredi de vacances avant la rentrée. Ce n'était pourtant pas la traditionnelle ruée, les familles n'ayant pas encore reçu les listes de fournitures absolument indispensables à la réussite de l'année scolaire de leurs rejetons, cahier blanc à petits carreaux, feuilles perforées à simple interligne, stylo plume à encre bleue, cahier de texte, compas, rapporteur et autres crayons HB avec la gomme au bout.
Pour ma part, c'était mes préférés, les HB de chez staedtler, superbes dans leur habit à rayures jaunes et noires, comme Nestor, le domestique du château de Moulinsart. Et la gomme ne servait pas à tant à effacer qu'à mâchonner pensivement, ou plutôt distraitement, lorsque les cours de mathématiques tendaient à durer un peu trop longtemps.
Il régnait dans les allées une douce nostalgie qui ne disait pas son nom, perceptible seulement à quelques indices épars ; une atmosphère qui n'était pas tout à fait celle d'une fin de vacances, et pas encore celle d'un début d'école, où quelques stigmates des activités des dernières semaines restaient visibles. Beaucoup de shorts, de manches courtes et de lunettes de soleil ; des kilomètres carrés de peau bronzée, des T-shirt I love Barcelone, des badges à la gloire des USA, des paniers de paille tressées et des chapeaux de la même matière.
Et des tongs. C'est effarant le nombre de pieds chaussés de tongs que j'ai pu voir. A croire que la tong, plus que le short, les lunettes de soleil ou la crème solaire, sont l'accessoire incontournable du costume du vacancier.
Sauf pour l'homme qui s'était trompé de saison. Je l'ai vu arriver, à côté de moi, alors que j'attendais placidement mon tour pour poser mes achats sur le tapis roulant. Pas de short, pas de chemisette, et encore moins encore de tongs. Il portait un jean's, un sweat-shirt en polaire assorti d'une capuche et des chaussures montantes noires en cuir épais.
Peut-être rentrait-il d'un pays très froid ? Peut-être s'était il fait voler sa valise à l'aéroport ? Ou alors, peut-être voulait-il simplement conjurer à sa façon la douce nostalgie de l'été qui s'enfuit.
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