L’Ecole de guerre économique a donné son examen final 2009 sur le thème de la compétition mondiale sur le marché de l’eau. Infoguerre publie un des rapports réalisés par un groupe d’étudiants qui a travaillé pendant quinze jours sur ce sujet stratégique. L’eau est aujourd’hui un des enjeux géopolitiques majeurs autour duquel se développe un débat international tendu. Au-delà d’une approche purement géopolitique qui implique des tensions régionales bien spécifiques, liées au partage des ressources hydrauliques dans une région ou un pays, l’eau est un marché autour duquel gravitent des entreprises internationales chargées d’assurer techniquement sa distribution, son traitement et d’envisager des solutions efficaces pour assurer sa pérennité. Mission délicate s’il en est, qui agite bien des débats éthiques : l’eau un droit pour tous ou une denrée qui se paie ? Mais une mission qui agite surtout une concurrence acharnée entre plusieurs sociétés internationales. Que ce soit pour le pompage, la distribution et le traitement de l’eau douce ou encore le marché du dessalement, ces groupes se disputent les marchés internationaux. Du fait de la raréfaction artificielle des ressources hydrauliques, ils connaissent des évolutions, qu’ils soient déjà bien établis comme en Europe ou en plein développement comme la Chine ou le Moyen Orient. Parmi eux, Veolia, fleuron de l’industrie française, se détache en tant que leader mondial.
Afin de mieux comprendre son environnement concurrentiel, il convient d’identifier quels sont ces marchés de l’eau ainsi que les acteurs qui y évoluent. Le parti-pris choisi pour cette étude est celui de la prospective. Elle tend à montrer quel est l’environnement concurrentiel de Veolia ainsi que les mutations qui l’agitent, mais aussi quels seront les principaux enjeux qui pourraient le modifier, pour enfin proposer des solutions qui lui permettent de garder cet avantage concurrentiel. La première partie de cette étude consistera donc en un état des lieux des concurrents de Veolia. De façon systématique, ils sont identifiés et qualifiés selon leur position concurrentielle vis-à-vis de Veolia et ce, de façon intrinsèque, ainsi que vis-à-vis de leurs positions sur des marchés spécifiques. La deuxième partie développera les trois enjeux identifiés comme étant cruciaux pour Veolia, les trois points qui seront à même de modifier l’environnement concurrentiel du marché de l’eau à son désavantage. Enfin, cette étude tentera de proposer des préconisations qui lui permettraient de maintenir son avantage malgré les risques crées par la mutation de cet environnement et les enjeux qui seront à même de menacer sa position dominante dans tous ses secteurs d’activité.
Ce leadership est le fait d’une approche spécifique aux groupes français qui ont une longue expérience dans la gestion des questions hydrauliques. La gestion « par bassin hydraulique », c’est-à-dire une gestion intégrée de toutes les ressources et de leurs utilisations est reconnue comme étant la plus apte à répondre aux besoins internationaux. Cette vision a ainsi permis aux deux leaders français de se placer en tête en termes de personnes desservies, mais aujourd’hui, elle ne suffit plus à assurer la sécurité et la pérennité de cette position. Veolia comme Suez sont condamnés à adopter une posture bien plus offensive pour conserver leur position dominante sur le marché mondial.
La maîtrise et la gestion des ressources d’eau peuvent être considérés comme très stratégiques par les pouvoirs politiques, car indissociables de la pérennité existentielle de leurs nations. Des nations qui, poussées par l’escalade capitalistique sévèrement accélérée dans la seconde moitié du XXème siècle, font désormais globalement croitre leurs besoins secondaires à des cadences insoutenables. La rareté provoquée n’est cependant qu’artificielle car la constitution biologique de la planète terre (prés de 75% d’eau en surface) et le cycle naturel de l’eau (régénération perpétuelle) devraient objectivement permettre de combler des besoins hydrauliques infiniment plus importants.
Si les réserves d’eau recensées sur la planète sont bien supérieures à nos besoins hydrauliques, il n’en demeure pas moins que la disponibilité en eau douce, directement utilisable par l’homme, ne représente qu’une infime quantité (1% et 3% si l’on tient compte des glaces polaires et neiges éternelles) et les technologies de désalinisation, uniques moyens de ponctionner dans la mer, sont encore peu développées. Enfin, le quadrillage des canaux de distribution naturels d’eau douce (fleuves, lacs, nappes phréatiques) devient progressivement insuffisant pour abreuver l’ensemble d’une planète sédentaire et extrêmement consommatrice. Il s’agit d’un risque amplifié par la croissance démographique (2,5 milliards d’êtres humains en 1950 contre 6 milliards en 2000 et environ 9 milliards en 2050).
Le défi officiel, véhiculé par les Institutions Internationales, les Organisations Non Gouvernementales (satisfaire les besoins primaires de prés d’un milliard et demi d’individus encore privés d’eau salubre, préparer certaines zones à une désertification annoncée) et soutenu par l’apparition de technologies de désalinisation de l’eau, cristallise une attente considérable. Cette aspiration se heurte de plein fouet au pouvoir géoéconomique tel que la possession des grands réservoirs d’eau douce (Amazonie, Grands Lacs, Russie) et la gestion des flux hydrauliques (maitrise des fleuves, des côtes maritimes et réseaux artificiels crées par l’homme).
Enfin, l’ensemble du marché au cours de ces cinq dernières années s’est profondément transformé et devient de plus en plus concurrentiel : la domination globale des anciens du « big five » (Veolia, Suez, RWE, Agbar et SAUR) est devenue obsolète. Leur part de marché en volume (nombre d’usager desservis) qui culminait à 73% en 2001 retombe à 37% fin 2008. Les deux grands groupes français, Suez Environnement et Veolia Environnement demeurent les chefs de file du secteur, représentant près de deux tiers du marché mondial. De nouveaux opérateurs émergent, particulièrement en Amérique latine (Brésil, Chili), en Asie du sud est (Chine, Malaisie, Philippines, Singapour).
Cette étude centrée volontairement sur Véolia porte donc sur l’analyse de cet environnement concurrentiel ainsi que des mutations qui l’agitent. Son enjeu est de proposer une vision prospective des enjeux qui pourraient mener Veolia à perdre sa position dominante dans un environnement concurrentiel qui mute et renouvelle ses impératifs. Les marchés sont en effet en plein bouleversement et ces compagnies sont soumises aux exigences d’un environnement qui évolue. Ce point de vue nous permettra de proposer une photographie des acteurs de l’eau dans le monde et de voir, dans une deuxième partie, quelles sont les menaces encourues par Veolia dans le futur, celles qui mettent en danger sa position de leader.
Télécharger le PDF : Environnement concurrentiel de Veolia (Analyse des rapports de force concurrentiels entre les principaux groupes de taille mondiale dans le domaine de l’eau)
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