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> Analyses autour du "Grenelle de l'environnement"

Publié le 10 octobre 2007 par Annonyme

Entretien avec Julien Bétaille, allocataire de recherche au sein du C.R.I.D.E.A.U. (Centre de Recherche en Droit de l'Environnement, de l'Aménagement et de l'Urbanisme), Université de Limoges.

- Fin octobre s'ouvrira le « Grenelle » de l'environnement voulu par le président de la République. L'évènement est attendu par beaucoup de français de plus en plus attentifs aux problèmes environnementaux, mais que peut-on vraiment attendre de ce rendez-vous ?
Effectivement, beaucoup d'éléments montrent que les Français accordent de plus en plus d'importance à l'environnement. Pour preuve, le dernier rapport de l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) sur la perception des risques met en évidence que les considérations environnementales arrivent avant l'insécurité et juste après le chômage et la pauvreté. Par conséquent, ce n'est pas un sujet à prendre à la légère pour le gouvernement. En effet, si l'échec des partis écologistes aux dernières élections pourrait nous laisser croire le contraire, ceci est probablement en partie du à une conjoncture défavorable et l'environnement semble aujourd'hui être devenu un enjeux électoral de premier plan (CF. le pacte écologique de Nicolas Hulot). Pour autant, la marche est encore haute et face au défi du réchauffement climatique, pour ne citer que celui là, penser que réduire les normes de pollution des voitures va solutionner le problème, c'est un peu comme penser que l'allongement d'un an de la durée de cotisation de la population active va régler le défi des retraites.
Vous l'avez compris, face à des défis conséquents et aux attentes des Français au plus haut, les raisons d'espérer beaucoup de ce Grenelle de l'environnement sont nombreuses. Il appartiendra donc au nouveau Ministre d'Etat, Mr Borloo, de tenter de ne pas décevoir.

- L'initiative française a-t-elle des précédents ailleurs dans le monde ? A-t-elle été suivie dans d'autres pays ?
A ma connaissance, il n'y a pas de précédent équivalent. Pour autant, rassurez vous, de nombreux pays ont pris au sérieux les questions environnementale sans avoir organisé un Grenelle de l'environnement (Cf. Danemark, Suède, Allemagne). Ce Grenelle est, à ce stade, la simple manifestation de l'importance sociale de ces questions.
Malgré tout, nous pouvons considérer ce Grenelle, au regard de l'histoire, comme un évènement particulièrement intéressant. En effet, il semble que ce soit la première fois qu'un gouvernement convoque les acteurs sociaux d'une manière aussi large et continue afin de parler de ces questions. Si l'on examine l'activité des associations de protection de l'environnement, nous pouvons par exemple noter que c'est la première fois que celle ci sont reçues, en tant que tel, par un président de la république nouvellement élu (c'était le 21 Mai dernier). Sans parier que celle ci seront prises au sérieux par le gouvernement, nous pouvons tout de même noter que jamais un autre gouvernement, y compris lorsque des écologistes en faisaient partie, n'a agit de la sorte.

- Les acteurs du développement durable réunis en 6 groupes de travail ont terminé l'élaboration des propositions d'actions fin septembre. Est-ce que le public peut lui aussi participer à ce « Grenelle » ?
A ce stade, je vois pour le public, trois manières d'être associé à la concertation dans le cadre du Grenelle. La première, c'est de participer à un forum sur le site du minitère (NDLR : Forum du Grenelle de l'environnement). La seconde, c'est de participer, physiquement cette fois, aux différentes réunions en régions organisées par le gouvernement. En ce qui concerne Limoges, la ville la plus proche dans laquelle sera organisé un débat de ce type est Périgueux. Cela se tiendra le 15 Octobre toute la journée. Enfin, le public peut aussi adhérer aux associations partie prenante du Grenelle de l'environnement. En effet, le rôle des associations est bien de participer à la décision et d'y faire entendre la voie des citoyens (NDLR : Les associations présentes localement et participant au Grenelle de l'environnement au niveau national sont Les Amis de la Terre Limousin et Limousin Nature Environnement).
Il convient tout de même de préciser un élément au sujet de cette participation du public. En effet, le ministère de l'environnement a bien spécifié lors de l'élaboration du processus du Grenelle que les remarques du public ne constitueront en aucun cas des propositions qui seront discutées lors du Grenelle de l'environnement fin octobre. Elle pourront tout au plus constituer une base de travail pour l'avenir et la suite du Grenelle de l'environnement. Pour autant, il semble primordial pour le public de saisir l'opportunité qui lui est offerte de s'exprimer sur ces sujets.
- Parmi les premières recommandations émises par les groupes de travail on trouve la limitation des vitesses sur autoroute et  l' « écovignette » qui pénaliserait les voitures neuves polluantes. Des changements plus structurels, réformant en profondeur notre économie et notre mode de vie,  sont-ils également attendus ?
Le Grenelle de l'environnement affiche des objectifs ambitieux et des changements structurels pourraient légitimement être attendus du fait de la volonté affichée d'action de ce gouvernement. Pour autant, les débats parlementaires de la semaine dernière sur le Grenelle, bon thermomètre s'il en est, ont montré que certains parlementaires semblent sceptiques, y compris en ce qui concerne de simples mesurettes.
Alors, des changements structurels et audacieux sont ils possibles ?
Il est difficile de répondre à cette question avant d'entrer dans la phase de négociation qui aura lieu fin octobre. Pour autant, nous pouvons mettre en avant plusieurs éléments de réponse. Le premier est la volonté du gouvernement, lequel a fréquemment affirmé que ce Grenelle devrait être une réussite. Le deuxième est moins optimiste. En effet, les logiques institutionnelles et le jeu des lobbies semblent rattraper ce Grenelle. Bien naïf serait celui qui aurait cru à la disparition des lobbies. Pour ne citer qu'un exemple, celui des OGM est révélateur de la persistance de ces logiques. C'est ainsi que l'on a vu le Ministre d'Etat Mr Borloo annoncer un gel concernant les cultures d'OGM avant le vote d'une loi nouvelle dans ce domaine. La réaction du ministre de l'agriculture ne s'est pas faite attendre. Celui ci a déclaré quelques heures plus tard qu'aucune décision n'avait été prise par le gouvernement, obligeant ainsi le président Nicolas Sarkozy à remettre de l'ordre sur ce sujet. Ce dernier tranchera ce problème à l'issue du Grenelle.
Difficile donc de prévoir les décisions qui seront prise à l'issue du Grenelle, sachant que celles ci devront être validée par le parlement. Quoi qu'il en soit, la réussite de ce Grenelle de l'environnement semble passer par des décisions ambitieuses.
- Quelle(s) principale(s) critique(s) formuleriez-vous à l'encontre de ce « Grenelle » ?
Selon que l'on a une vision absolue ou relative des questions environnementales, les critiques peuvent être variées. Il y avait en effet de quoi être sceptique suite au silence post "pacte écologique" (accord moral passé par Nicolas Hulot avec les candidats à la présidentielle) des candidats à la présidentielle.
Au delà de quelques improvisations sur l'organisation ainsi que sur la forme du Grenelle, il reste difficile, à ce stade, de formuler des critiques véritablement constructives. Seule une évaluation scrupuleuse des décisions qui seront prises pourra permettre de les formuler.
Pour autant, si le niveau de consensus sur ces questions semble être relativement élevé, des points durs sont toujours présents (OGM, Nucléaire) entre les écologistes et les acteurs économiques. De plus, compte tenu de l'ampleur des défis environnementaux auxquels nous avons à faire face, les résultats du Grenelle apparaîtrons nécessairement à certains comme largement insuffisants.

- Pensez-vous qu'un « Grenelle mondial » différent des simples conférences qui se sont jusqu'à présent tenues est un jour envisageable ? Ne serait-il pas plus efficace d'agir pour la planète à l'échelle mondiale ? 
Nous assistons aujourd'hui à une multiplication des "Grenelles", que ce soit à différents niveaux géographiques, comme dans d'autres politiques sectorielles. Ainsi, outre la demande faite à Martin Hirsch de mettre en place un "Grenelle de l'insertion", le Grenelle de l'environnement proprement dit, déjà décliné au niveau régional, pourrait, selon les bruits de couloirs, connaître une extension à l'échelle de l'Union Européenne à l'occasion de la présidence Française en 2008. Pour autant, une telle organisation à l'échelon européen passe inévitablement par la réussite du Grenelle de l'environnement en France.
En ce qui concerne la nécessité d'une action à l'échelle mondiale, les différents gouvernements depuis 2002 œuvrent pour une ONUE, Organisation des Nations Unies pour l'Environnement, reprenant ainsi des propositions qui avaient pu être formulées concernant la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement (OME). Cette OME pourraient être utile afin de servir de "contre poids" à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dont les règles ne prennent que partiellement en compte la protection de l'environnement. Pour l'heure, les Etats Unis s'opposent à toute création d'une organisation mondiale concernant l'environnement. Gardant toujours une proposition d'avance sur les gouvernements, les ONG proposent quant à elles la création d'un tribunal mondial compétent afin de juger des crimes environnementaux tels qu'ont pu l'être les catastrophes de Bhopal ou de Tchernobyl.

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NDLR - Le samedi 13 octobre une soirée "4 heures pour la planète" est organisée à Limoges en soutien aux propositions des associations participant au "Grenelle".
20H - L'USINE - Entrée Libre - Deni, Pussydelic,...

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