France-Angleterre 10-19 (Quart de finale) Paris le 19 octobre 91
C’est l’heure tant attendue du choc France-Angleterre ce samedi de quart de finale de Coupe du Monde 91 au Parc des Princes. Les français rongent leur frein. Trois défaites successives devant les anglais (du jamais vu depuis 1926) à venger en un seul match. C’est beaucoup pour une sélection française qui ne vit pas sereinement, le cul entre deux chaises, à cause du tandem d’entraîneurs Dubroca-Trillo qui tire à hue et à dia. Dubroca le pragmatique, persuadé que les avants ont les clés de ce quart de finale. Trillo, et son rugby d’écolo, qui ne voit que par le Parc des Princes transformé en une maison de passes ce jour de bras de fer avec les anglais. Sella, un instant douteux, tient finalement sa place. Mais à Benazzi, titulaire lors des matches de qualification, l’encadrement du XV de France préfère Cécillon. Cambérabéro blessé, Lacroix, est titularisé à sa place. C’est le dernier match au Parc des Princes de Serge Blanco dont la carrière internationale doit prendre fin avec cette Coupe du Monde. C’est aussi le dernier match présidé par Albert Ferrasse miné par une guerre de succession qu’il n’a pas vu venir. Le Président Mitterrand assiste à ce choc de titans présenté comme le match événement des quarts de finale.
Tout semble réuni pour une réussite. Le soleil est de la fête. Dans le camp anglais cela fait plusieurs jours qu’on établit la tactique du match. Elle est simple. Tous contre Blanco, le capitaine est Bleus. Provocation, agression, élimination sont les mots d’ordre. Pour l’instant c’est secret-défense. Mais, au fond de lui-même Barnes, l’ouvreur remplaçant de l’équipe d’Angleterre, sait qu’il lâchera le morceau quand le mal sera fait. Le stade est plein. Les supporters aussi. Surtout les anglais qui ne perdent jamais le lever de rideau des leveurs de coudes. A peine installés, il hurlent En-gland, En-gland. C’est bizarre mais ce samedi de quart de finale, le Parc des Princes a les accents de Twickhenham. On est à Paris et on sent pourtant les anglais chez eux. Le choix du néo-zélandais Bishop pour diriger ce quart de finale les contrarie. Ils préfèrent les arbitres du Nord. Les français ne s’en plaignent pas. Ils n’ont pas d’à priori contre lui.C’est l’heure du coup d’envoi. On vient demander que Dieu sauve la Reine. Le match est à peine commencer que Dieu doit aussi voler au secours de Blanco.
Dès l’engagement, une chandelle d’Andrew met Blanco à l’épreuve. L’arrière du XV de France fait un marque et s’en sort avec des marques. En même temps qu’il réceptionne ce cadeau empoisonné il prend sur le râble une tornade blanche qui nettoie tout, du sol au plafond. Piétiné par une horde sauvage, mettant d’entrée de jeu à exécution le terrible contrat placé sur la tête du français à abattre. KO Blanco qui reste un moment le nez dans l’herbe.. Le jeu reprend. Mauvais dégagement de Lacroix et nouveau placage à retardement sur Blanco. Cette fois c’est l’ailier Heslop qui prend l’habit du Diable. Qui pénalise Monsieur Bishop ? Blanco et Champ parce qu’ls viennent de faire justice. Cette brutale attaque de match rend nerveux les tricolores qui se font pénaliser. Webb reussit son coup de pied, 0/3. Puis encore une pénalité pour charge à l’épaule de Cécillon sur Teague que réussit Webb, 0/6. Il n’y a que dix minutes que l’on joue. Enfin, façon de parler ! "Ecarter les ballons pour étirer la défense anglaise" c’est la consigne des Bleus. "Bombarder des chandelles, et botter systématiquement en touche pour regagner le ballon sur les lancers" est la consigne des Blancs. Les français oublient les consignes. Les anglais les appliquent à la lettre. Et en touché Dooley, l’officier de police, fait la loi.
Un but de Lacroix réduit l’écart, 3/6. Mais pour combien de temps ? Le match est cadenassé par l’équipe d’Angleterre. Et l’équipe de France marche à côté de ses pompes. Trois points de retard mais bientôt dix. Sur touche raccourcie, Dooley, une fois de plus, gagne le ballon. Hill pour Andrew qui lance l’attaque. Carling pour Guscott qui prend Sella à l’intérieur. Rory Underwood en débordement qui marque l’essai, 3/10. L’en-avant de passe entre Guscott et Underwood passe au rayon des pertes et profits. La réaction des français est encourageante. Galthié allume la flamme. Enfin sous la pression, les anglais se mettent à la faute. Pénalité réussie par Lacroix, 6/10. Galthié, encore lui, embrouille les anglais à la 51ème minute. Après avoir récupéré une chandelle dans ses 22 il contre-attaque, fixe la défense anglaise, sert Lafond qui déborde, essaiiiiiiii, 10/10. Rien n’est perdu. Mais rien n’est gagné non plus. Parce qu’après ce passage à vide les anglais remettent la main sur le ballon. Et reprennent leur tactique de harcèlement. C’est le festival des chandelles qui reprend. Ca n’éclaire pas le jeu mais c’est drôlement efficace. Ondarts se fait pénaliser. Le pied de Webb assure, 10/13. Les sursauts d’orgueil des tricolores n’aboutissent pas. Le réalisme est anglais ce samedi de malheur. Chandelle de Hill reprise par Lafond qui se fait refouler dans son en-but par la meute. Carling lui arrache le ballon pour marquer l’essai, 10/19. C’est la fin du match. Dramatique ! La France, prématurément éliminée chez elle de la Coupe du Monde 91 encaisse sa quatrième défaite d’affilée devant l’Angleterre.
Beaucoup de dépit dans le regard des supporters et de la haine chez la coach Dubroca qui trouve un coupable sur le champ. C’est l’arbitre Bishop. Il le prend au collet dans le couloir qui conduit aux vestiaires et le traite de "merde". Malaise. Même si dans un premier temps les organisateurs britanniques ne bronchent pas. Le premier à tirer les conclusions du fiasco c’est Trillo, l’entraîneur-adjoint. Dès le lendemain il donne sa démission. Pendant ce temps la tête de Dubroca est mise à prix dans la presse anglaise. L’affaire revient comme un boomerang. Le Président Ferrasse reçoit le rapport de l’arbitre. Il doit faire quelque chose. La lettre d’excuse tardive envoyée par Dubroca ne suffit pas. C’est la guillotine que veulent les britanniques. Ils l’obtiennent le 25 octobre quand Dubroca, capitaine de l’équipe de France finaliste malheureuse de la Coupe du Monde 87, donne sa démission d’entraîneur. Le calice est bu jusqu’à la lie. "Ce match, c’est la lumière qui s’éteint" conclue Philippe Sella.
L’équipe de France
S. Blanco (cap) - P. Saint-André, P. Sella, F. Mesnel, J.B. La fond - (o) T. Lacroix, (m) F. Galthié - L. Cabannes, M. Cecillon, E. Champ - O. Roumat, J.M. Cadieu - P. Ondarts, P. Marocco, G. Lascube.