Samedi dernier, nous n'étions pas devant notre téléviseur à regarder le match France / NZ. Nous étions à Bordeaux chez l'un de nos amis dégustateurs, Julien, qui nous avait invité à un repas/dégustation. Nous avions l'ordre de ne rien amener à boire, ni à manger: le vin était fourni par la maison, et la cuisine assurée par son amie Bénédicte et lui-même.
Une fois que tout le monde fut arrivé (nous étions tout de même 10 autour de la table), nous attaquâmes les mises en bouche et le champagne. Les bouchées chèvre/lavande ci-dessus vous disent peut-être quelque chose. C'était les mêmes qu'à mon anniversaire. Normal: c'était Julien qui les avait amenées ;o) Le champagne est par contre assez différent. La robe est d'un beau doré avec des bulles fines et nombreuses. Le nez est d'une grande finesse sur la poire, la noisette et la brioche. La bouche est toute en légéreté, avec des bulles qui vous caressent le palais, et une alliance du moelleux et de la fraîcheur. Jolie finale nette et de bonne persistance. Voilà un champagne qui ne se la joue pas, tout en distinction et en finesse. Bravo! On subodore une dominante chardonnay. C'est beaucoup plus que ça, puisque c'est un Blanc de Blancs. Cuvée Alexandre L (le Cotet) de Jacques Lassaigne.
Le repas commença sur une "fraîcheur de la mer en mariage de grondin et saumon" . Et un premier vin, au nez de citron confit, de poire et d'ardoise mouillée. La bouche est ample, toute en rondeur, avec une acidité en filligrane apportant un bon équilibre. Un peu de sucre résiduel en finale font vaciller le bel édifice et perturbe certains dégustateurs. Moi pas trop. J'aime bien :o) Servi sur un plat tenant compte de cette légère sucrosité, il tiendrait parfaitement la route. Certains sont partis sur un pinot gris, d'autre sur du riesling. Perso, c'est Riesling. Bingo! C'est un riesling Sommerberg 2004 d'Albert Boxler.
Julien nous sert ensuite sur un "chaud et froid d'huîtres" un vin doré au nez intense: zeste de citron, fumée, coquille d'huître. La bouche est de grande ampleur, avec une matière grasse, riche soutenue par une remarquable acidité. Finale longue et persistante avec une certaine "mache" qui évoque le calcaire. Là aussi, une perception de sucre résiduel. Mais le vin dégage une telle harmonie du début à la fin qu'elle s'intègre beaucoup mieux. Là, tout le monde est d'accord sur le cépage: c'est un riesling (encore!). Plusieurs partent sur l'Allemagne. Right! De la région Nahe, précisément. C'est un Herrmannshöhle 2004 de Donnhoff.
Pour accompagner un "Canapé baroque de Saint-jacques au parmesan et balsamique", il nous est servi un dernier vin blanc: robe dorée aux reflets argentés. Nez sur le pomelo, le buis, le bourgeon de cassis et la fumée. Sauvignon, tout le monde s'exclame! Si le nez est beau, la bouche est grande: ample, riche, profonde, tendue comme une corde de violon, elle nous joue une bien belle musique. La fin est savoureuse, sur des notes miellées. Superbe! Certains le sentent sans oser vraiment le dire. Un sauvignon comme ça, c'est .... Dagueneau? Yesss!!! Silex 2005 (blanc fumé de Pouilly).
Sur un "tournedos de filet aux cèpes" (à la cuisson parfaite!), notre premier vin rouge: la robe sombre a encore des reflets violacés. Le nez est complexe, sur des notes de fruits bien mûrs (limite cuits), de cuir, d'épices et de prune. La bouche est ronde, ample, limpide, aux tannins soyeux. Dommage que la finale laisse une sensation alcooleuse et une lègère amertume. De ces deux "défauts", je conclus qu'il y a de la grenache (l'alcool) et Christophe qu'il y a du carignan (l'amertume). Nous avons 80% de l'assemblage (40% grenache, 40% carignan, le reste en Cabernet Sauvignon, merlot et syrah). Beaucoup partent sur l'Espagne. Buene. C'est un priorat: Roquers de Porrera 2004.
Ce n'est pas fini: nous passons ensuite à une "Caille farcie au mariage terre et mer et son fagot de haricot" servie avec un nouveau vin. C'est drôle, mais rien qu'à le sentir, on se sent en terre bordelaise: mûre, graphite, élevage noble, notes tertaires... Bienvenue dans le Médoc! La bouche est sphérique , douce, aux tannins polis. Ce beau vin fait preuve d'équilibre et de fraîcheur. Le nom de Léoville Las Cases commence à se murmurer autour de la table. C'est bien lui: Léoville Las Cases 1999.
Les verres se vident vite, et il n'y a pas de repasse. Aussi, pour finir ce plat délicieux, un vin ... délicieux! Robe sombre, nez fin et distingué sur la crème de mûre, la violette, le benjoin et la fumée. La bouche est un régal qui vous remplit le palais d'une matière mûre, onctueuse, aux tannins irréels. La finale se durcit légèrement avec une petite pointe alcooleuse. Mais on lui pardonne sans peine, car le plaisir est bien là. La classe, ai-je noté sur mon petit carnet. Tout le monde s'accorde sur une syrah, mais après c'est la colle... C'est en fait un Hermitage "la Chapelle" 2003 de Jaboulet. L'effet millésime explique pour Christophe l'atypicité de ce vin: ça ne ressemble guère à un hermitage "classique". Perso, ça ne me dérange pas: je suis prêt à en reboire dès demain ;o)
Avec le fromage, nous retournons au blanc. Enfin, façon de parler; le vin est de couleur ambre. Du verre se dégagent des odeurs de fruits secs, d'orange confite, de caramel et de nougat. La bouche est ronde, fraîche, limpide, d'un bel équilibre. La finale est un peu courte. C'est toutefois un joli vin qu'on imagine d'un âge vénérable et de la région bordelaise. Difficile d'être plus précis. Nous sommes dans le vrai: c'est un Sainte-Croix-du Mont: Clos des Coulinats "crême de tête" 1955. Malgré ses 52 ans, ce vin est encore fringuant et peut tenir encore quelques années. La bouteille qui le contenait est également remarquable: soufflée à la bouche, ses irrégularités sont émouvantes.
En conclusion de la soirée, un de mes péchés mignons (comment le savent-ils?): des éclairs au chocolat "maison''. Avec un dernier petit verre pour la route: rouge sombre. Aux parfums de fruis cuits, de prunelle et de framboise. En bouche, c'est pulpeux, sensuel, avec une bonne acidité. Ca ferait penser un peu à une liqueur de framboise. Ne serait-ce que par le côté un peu "chaud" de la finale. Là, franchement, on cale... C'est de nouveau un vin espagnol: une verema tardana 2005 de Etim (appellation Montsant, 100% grenache). Servi un peu plus frais, ce vin eût été une tuerie. Au bout du compte, ce fut une bonne chose, car nous avions suffisamment bu pour la soirée ;o)
Nous avons passé une très belle soirée. Julien et Bénédicte ont vraiment assuré, autant pour les vins que pour la cuisine. Je trouve ça vraiment réconfortant que des jeunes de 25 ans puissent réaliser de tels repas. On se dit que tout n'est pas foutu, et que la gastronomie a encore de beaux jours devant elle ;o)