Samedi dernier, nous n'étions pas devant notre téléviseur à regarder le match France / NZ. Nous étions à Bordeaux chez l'un de nos amis dégustateurs, Julien, qui nous avait invité à un repas/dégustation. Nous avions l'ordre de ne rien amener à boire, ni à manger: le vin était fourni par la maison, et la cuisine assurée par son amie Bénédicte et lui-même.
Pour accompagner un "Canapé baroque de Saint-jacques au parmesan et balsamique", il nous est servi un dernier vin blanc: robe dorée aux reflets argentés. Nez sur le pomelo, le buis, le bourgeon de cassis et la fumée. Sauvignon, tout le monde s'exclame! Si le nez est beau, la bouche est grande: ample, riche, profonde, tendue comme une corde de violon, elle nous joue une bien belle musique. La fin est savoureuse, sur des notes miellées. Superbe! Certains le sentent sans oser vraiment le dire. Un sauvignon comme ça, c'est .... Dagueneau? Yesss!!! Silex 2005 (blanc fumé de Pouilly).
Sur un "tournedos de filet aux cèpes" (à la cuisson parfaite!), notre premier vin rouge: la robe sombre a encore des reflets violacés. Le nez est complexe, sur des notes de fruits bien mûrs (limite cuits), de cuir, d'épices et de prune. La bouche est ronde, ample, limpide, aux tannins soyeux. Dommage que la finale laisse une sensation alcooleuse et une lègère amertume. De ces deux "défauts", je conclus qu'il y a de la grenache (l'alcool) et Christophe qu'il y a du carignan (l'amertume). Nous avons 80% de l'assemblage (40% grenache, 40% carignan, le reste en Cabernet Sauvignon, merlot et syrah). Beaucoup partent sur l'Espagne. Buene. C'est un priorat: Roquers de Porrera 2004.
Ce n'est pas fini: nous passons ensuite à une "Caille farcie au mariage terre et mer et son fagot de haricot" servie avec un nouveau vin. C'est drôle, mais rien qu'à le sentir, on se sent en terre bordelaise: mûre, graphite, élevage noble, notes tertaires... Bienvenue dans le Médoc! La bouche est sphérique , douce, aux tannins polis. Ce beau vin fait preuve d'équilibre et de fraîcheur. Le nom de Léoville Las Cases commence à se murmurer autour de la table. C'est bien lui: Léoville Las Cases 1999.Les verres se vident vite, et il n'y a pas de repasse. Aussi, pour finir ce plat délicieux, un vin ... délicieux! Robe sombre, nez fin et distingué sur la crème de mûre, la violette, le benjoin et la fumée. La bouche est un régal qui vous remplit le palais d'une matière mûre, onctueuse, aux tannins irréels. La finale se durcit légèrement avec une petite pointe alcooleuse. Mais on lui pardonne sans peine, car le plaisir est bien là. La classe, ai-je noté sur mon petit carnet. Tout le monde s'accorde sur une syrah, mais après c'est la colle... C'est en fait un Hermitage "la Chapelle" 2003 de Jaboulet. L'effet millésime explique pour Christophe l'atypicité de ce vin: ça ne ressemble guère à un hermitage "classique". Perso, ça ne me dérange pas: je suis prêt à en reboire dès demain ;o)
Avec le fromage, nous retournons au blanc. Enfin, façon de parler; le vin est de couleur ambre. Du verre se dégagent des odeurs de fruits secs, d'orange confite, de caramel et de nougat. La bouche est ronde, fraîche, limpide, d'un bel équilibre. La finale est un peu courte. C'est toutefois un joli vin qu'on imagine d'un âge vénérable et de la région bordelaise. Difficile d'être plus précis. Nous sommes dans le vrai: c'est un Sainte-Croix-du Mont: Clos des Coulinats "crême de tête" 1955. Malgré ses 52 ans, ce vin est encore fringuant et peut tenir encore quelques années. La bouteille qui le contenait est également remarquable: soufflée à la bouche, ses irrégularités sont émouvantes. En conclusion de la soirée, un de mes péchés mignons (comment le savent-ils?): des éclairs au chocolat "maison''. Avec un dernier petit verre pour la route: rouge sombre. Aux parfums de fruis cuits, de prunelle et de framboise. En bouche, c'est pulpeux, sensuel, avec une bonne acidité. Ca ferait penser un peu à une liqueur de framboise. Ne serait-ce que par le côté un peu "chaud" de la finale. Là, franchement, on cale... C'est de nouveau un vin espagnol: une verema tardana 2005 de Etim (appellation Montsant, 100% grenache). Servi un peu plus frais, ce vin eût été une tuerie. Au bout du compte, ce fut une bonne chose, car nous avions suffisamment bu pour la soirée ;o)Nous avons passé une très belle soirée. Julien et Bénédicte ont vraiment assuré, autant pour les vins que pour la cuisine. Je trouve ça vraiment réconfortant que des jeunes de 25 ans puissent réaliser de tels repas. On se dit que tout n'est pas foutu, et que la gastronomie a encore de beaux jours devant elle ;o)