Sous l’impulsion d’un bilan de compétences qui s’achevait hier matin, j’ai fait feu de tous bois, explorant sans trop y croire des pistes que me suggérait ma conseillère, tricotant curriculum vitae, lettres de motivation et m’attelant à mille autres choses familières au demandeur d’emploi lambda. Parmi les pistes "raisonnables" figure celle de l’enseignement que j’ai souvent côtoyé et pratiqué du bout des orteils lorsque je dirigeais des ateliers théâtre.
Me levant hier aux aurores, traînant la patte comme un condamné allant à l’échafaud, je m’imbibe de café et me conditionne. Alors que je m’habille, je glisse sur mon reflet un regard à la fois désabusé et volontaire. J’endosse mon costume de prof – au sens théâtral du terme – et je mets les voiles.
- Où en êtes-vous ? me demande la conseillère.
- Je n’ai pas fait tous mes devoirs, dis-je. Soyez gentille. Ne me grondez pas.
Elle affiche une moue presque dédaigneuse quand je lui lis les premières lignes de ma lettre de motivation :
« Au téléphone, hier matin, on m’a précisé que votre effectif était au complet. Loin de moi l’envie de voir vos enseignants vous déserter avant même la rentrée, mais vous comprendrez, je l’espère, ma démarche, s’agissant d’une candidature pour un poste d’enseignant vacataire. »
Si je l’écoutais, je rédigerais une lettre tout ce qu’il y a de plus lisse.
Je vous laisse imaginer sa mine à la lecture de la conclusion – que j'ai bien sûr enrobée des formules de politesse consacrées :
« Aurai-je l’audace de vous signaler que j’habite à moins de deux kilomètres* de votre établissement ? Visiblement, oui. Et je vous prie de m’en excuser. »
*En milieu rural, il n'est pas rare pour un enseignant de parcourir quotidiennement 50 kilomètres aller et retour.