EADS : « Que la justice aille jusqu’au bout »…

Publié le 09 octobre 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

L’éditorial de Daniel RIOT pour RELATIO : Un menteur ou un incompétent ? « Les deux », dit le socialiste Montebourg en parlant de Thierry Breton, l’ancien ministre de l’économie,  qui s’est pris les pieds dans le tapis (c’est le moins que l’on puisse dire) de l’affaire EADS. Une « affaire d’Etat », comme dit justement Bayrou qui y voit à juste titre l’illustration de tout ce qu’il a pu dire durant la campagne présidentielle.

Face à cette « affaire d’Etat », Nicolas Sarkozy a eu la réaction qu’imposaient ses devoirs d’Etat. « Je veux savoir la vérité s'agissant de ce qui s'est passé au niveau de l'Etat (…) Si la justice devait confirmer les informations qu'on voit, c'est grave et ça ne peut pas rester sans conséquences (…) « S'il y a des gens qui ont fraudé chez EADS, il faut que la justice aille jusqu'au bout, qu'on connaisse la vérité et que ceux qui se sont comportés de façon malhonnête soient punis à due proportion de ce qu'ils ont fait ».

Bien. Il faudra le prendre au mot. Ce qui implique plusieurs choses : des moyens d’investigations, à charge et à décharge pour tous,  et une totale indépendance pour la justice, des positions claires des représentants de l’Etat au sein du CA d’AEDS (où le siège de Lagardère doit être renouvelé),  un dépassement des liens personnels entre le chef de l’Etat et les intéressés, à commencer par son « frère » Arnaud Lagardère…

Dans cette perspective, l’ITW accordée par Louis Gallois, président d'EADS, au Monde est intéressante. Le président d’AEDS va proposer à son conseil d'administration la « suppression totale » des stock-options, un « système contestable qui s'apparente à une loterie », et qui est  à l'origine d'une nouvelle crise au sein du groupe aéronautique européen en raison de soupçons de délits d'initiés pesant sur certains de ses dirigeants.

Sarkozy va-t-il le suivre sur ce point ? « Je pense qu'il faut leur substituer un mode de rémunération plus transparent comme l'attribution d'actions gratuites qui sont un complément de salaire », explique Louis Gallois.  « Aujourd'hui chez EADS les stock-options ne représentent plus que 20% de la rémunération complémentaire, les actions gratuites 80%. Il s'agit d'aller à 100% ». Fillon, dit-on, est décidé à accélérer la réforme des stocks options qui seraient davantage imposées pour être découragées.

En tous les cas la question de la dépénalisation du droit des affaires prend une autre dimension : c’est une PENALISATION pénale plus poussée du droit des affaires qu’il importe de mettre au point, comme le souligne avec pertinence Corinne Lepage.

Mais, si on relit bien ce qui a été dit par Sarkozy durant sa campagne électorale, c’est inscrit au programme, non ? Réduction du champ des immunités des élus et du secret défense ; inéligibilité de 10 ans pour les élus condamnés pour corruption ; renforcement de l'indépendance des magistrats chargés notamment de la délinquance économique ; possibilité de donner aux victimes de la corruption de faire valoir leurs droits en saisissant la justice soit directement, soit par l'intermédiaire d'associations agréées ; lutte contre les centres offshore. Mais  il reste à savoir ce que ces mots recouvrent…

Dans Le Monde, Louis Gallois s'engage également à coopérer pleinement avec la justice et l'AMF, tout en déplorant que « la présomption d'innocence et la confidentialité de l'instruction n'aient pas été respectées ». de cet engagement, personne ne peut douter. Gallois appartient heureusement à cette trempe de grand patron dont l’honnêteté n’est ni contestée ni contestable…

Un rappel par souci de pédagogie : L'enquête de l'AMF, qui devrait se terminer au début de l'année prochaine, porte à la fois sur les conditions dont certains dirigeants d'EADS et de sa filiale Airbus ont exercé leurs stock-options en novembre 2005 et en mars 2006 et sur celles qui ont entouré la cession, le 4 avril 2006, par Daimler et Lagardère de 7,5% du capital d'EADS chacun.Ces opérations ont eu lieu peu avant l'annonce de nouveaux retards de l'A380 le 13 juin 2006, qui a entraîné le lendemain une chute de 26% du titre EADS.

La commission des Finances de l'Assemblée nationale a entamé ce mardi matin l'audition de dirigeants de la Caisse des dépôts et consignations afin de déterminer les conditions dans laquelle la CDC a racheté une partie des titres EADS dont Lagardère s'est défait en avril 2006. Après l'audition des dirigeants de la CDC, la ministre de l'Economie et des Finances Christine Lagarde devrait rendre publics jeudi (c’est demain !) les résultats du rapport qu'elle a demandé à l'inspection générale des Finances sur l'action des services du ministère vis-à-vis d'EADS entre fin 2005 et juin 2006.

Une remarque de simple bon sens : Pour l’heure, rien n’est prévu pour les premières victimes de cette (sale) affaire d’Etat, c’est-à-dire les salariés privés d’emploi ou brisés dans leurs perspectives et ces oubliés de toutes les crises, les prestataires de services, les sous-traitants, tous ceux qui vivent d’une entreprise sans en faire partie…

Ainsi le plan Power 8 ne sera en rien  révisé : « Rien ne le justifie. Ce plan est construit pour assurer notre compétitivité face à Boeing qui profite de la baisse du dollar. Il est bien engagé. », souligne Louis Gallois avec le réalisme qui s’impose. 

Mais ne pourrions-nous pas, grâce à la détermination de l’Elysée, trouver quelques moyens d’alléger l’addition sociale en tondant un peu les comptes des « fraudeurs », des profiteurs des « options en stocks ». On peut rêver, non ?... Un délire de non initié …

Daniel RIOT