L'armée américaine "fiche" les journalistes désireux d'accompagner les troupes en Afghanistan, en jugeant si leurs articles sont généralement positifs ou négatifs et s'il est possible d'influencer leur couverture, affirme mercredi le journal Stars and Stripes.
Selon cette publication américaine destinée à la communauté militaire, financée par le Pentagone mais indépendante au niveau éditorial, ces "fiches" sont préparées pour les militaires par un groupe de relations publiques, Rendon, et visent à déterminer comment influer sur la production d'un journaliste intégré dans une unité sur le terrain.
D'après l'une de ces récentes "fiches", vue par le journal, "la couverture des forces armées américaines d'un reporter de l'un des plus éminents journaux américains est notée neutre ou positive, et ses articles négatifs pourraient être neutralisés en lui fournissant des citations de responsables militaires".
Un autre journaliste de télévision fournirait une couverture "de manière subjective", d'après sa fiche, et en l'incitant à couvrir l'aspect positif d'une opération réussie", l'armée pourrait "aboutir à une couverture favorable".
Un porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman, a assuré mercredi que le département américain de la Défense ne pratiquait pas ce type de classement.
"Nous ne faisons pas cela ici", a-t-il affirmé.
"Le seul critère de jugement utilisé par le Pentagone est l'exactitude. C'est un bon article si les informations sont exactes, c'est un mauvais si elles sont fausses", avait-il déclaré lundi en réaction à un premier article de Stars and Stripes accusant l'armée de rejeter les demandes d'accompagnement ("embed") en Afghanistan de certains journalistes en fonction de l'évaluation de leur production.
Ces informations interviennent alors que Washington commence à s'inquiéter de l'impopularité croissante de la guerre en Afghanistan. Selon un récent sondage, 51% des Américains estiment que ce conflit ne vaut pas la peine d'être mené.
La Fédération internationale des journalistes (IFJ), basée à Bruxelles, a condamné mercredi les pratiques de l'armée américaine telles que rapportées par Stars and Stripes.
"Le fichage de journalistes compromet davantage l'indépendance des médias", déclare dans un communiqué Aidan White, secrétaire général de l'organisation, qui affirme représenter 600.000 journalistes dans 123 pays. "Cela balaie toute affirmation selon laquelle l'armée a la volonté d'aider les journalistes à travailler librement. Cela suggère qu'ils sont plus intéressés par la propagande que par des reportages honnêtes".