Evangélisation jurassienne in situ

Par Olif

Nouvelle confrontation carabins-épiciers à l'Auberge des Montagnards, chez l'ami Walter, à Chaon, au bord du lac Saint-Point. Pas de chichis, à la bonne franquette, même qu'il a ouvert son auberge juste pour nous, Walter, après être allé pêché une ou deux truites et tirer un ou deux chevreuils.
Le vin local ne faisant que très peu partie de la pharmacopée de nos amis épiciers, j'ai obtenu carte blanche pour un petit tour d'horizon du Jura alternatif, alliant qualité et diversité, et en passe lui-même de devenir un grand classique. Point d'arômes oxydatifs ce soir-là, ces notes d'épices et de noix verte susceptibles d'enivrer le "vulgum pecus" du coin, fusse-t-il pharmacien, mais de laisser également de marbre par incompréhension totale le premier imbécile venu, fusse-t-il dégustateur. Que de l'ouillé! Savagnin, puis chardonnay, et, après une poignée de rouges, quelques petits vins doux pour le plaisir!

Les vins sont goûtés à l'aveugle, sauf en ce qui concerne le maître du jeu, votre serviteur, par séries de 2 ou 3. Ils sont servis en même temps que les plats, mais généralement goûtés avant les mets pour mieux les apprécier.

Arbois Savagnin Curoulet 2005, Rémi Treuvey: fruité, riche, rond et gourmand, ses arômes primaires de pomme sont plutôt séducteurs. D'une grande netteté, avec une superbe acidité, il se déguste tout en longueur pour clore sur une finale très croquante.****

Arbois-Pupillin 2002 Les Terrasses, Jean-Michel Petit: nez riche et puissant, fruité, fumé, argileux. Tendu et minéral en bouche, avec une longueur phénoménale et une acidité rectiligne et tranchante. Si ça, ce n'est pas un vin de terroir...! Tout simplement superbe!*****

Côtes du Jura 2001 Fleur de savagnin, Alain Labet: la robe est dorée, le nez mûr et riche, vieille cire, miel, partant sur le versant oxydatif sans sombrer pour autant dans la noix. Oxydation versus richesse et puissance, le débat est ouvert! Malgré sa grande acidité, il ne convainc pas totalement du fait d'une bouche un peu dissociée et une finale terminant sur l'amertume. Très honorable pour le millésime, il pâtit surtout d'avoir été servi après Les Terrasses 2002.***

Arbois 2005 La Mailloche, Stéphane Tissot: décidément, elle est vraiment superbe, cette Mailloche 2005, avec son nez minéral fumé, intense, développant par derrière des notes de pralin. La trame en bouche est précise, ciselée, définie à la perfection. Elle mérite un peu de repos en cave, mais elle goûte déjà merveilleusement! *****

Arbois 2002, Les Corvées sous Curon, Domaine de la Tournelle: nez de fruits jaunes, avec une pointe de réglisse. Du gras et de la matière, pour un vin droit et enveloppé au bel équilibre. La finale acidulée s'allie à merveille avec le filet de truite déglacé au vin jaune.****

Côtes du Jura 2000 Les Grands Teppes, Jean-François Ganevat: le nez est anisé, fenouil et menthol. La bouche est large, presque trop lisse, un peu caramélisée, avant de développer une jolie tension finale. Un vin qui fait moins l'unanimité que les deux précédents, mais qui en impose pourtant!****

Avec un ragoût de chevreuil, on passe aux rouges, qui sont tous carafés au préalable, hormis les deux ancêtres qui suivent.

Arbois 1990 Cuvée des Docteurs, Lucien Aviet: un ploussard de 17 ans, à la robe légèrement orangée, délivrant de petits arômes de framboise et d'écorce d'orange, et à la bouche gracile, diaphane, tout en finesse. Un moment de grâce infini, l'éloge de la finesse!****

Arbois 1990 Pinot noir Fût neuf, Jacques Puffeney: une bouteille bonus, apportée par Georges, qui trouve tout à fait sa place ici, comme par magie! La robe est encore très colorée, d'une jeunesse insolente. Enrobé par du gras, les tanins se fondent harmonieusement. Un vin encore tout à fait droit dans ses bottes, qui a parfaitement digéré son élevage qui se voulait ambitieux.****

Arbois 2005, Cuvée Marc, Jean-Marc Brignot: la robe est sombre, le nez est fougueux, balsamique et cacaoté, ne faisant pas l'unanimité. Explosif, pour le moins, volatile, un peu, sur le versant acétate. Riche, gras et concentré, un vin à la fois déroutant et surprenant. Surtout lorsque l'on sait qu'il est constitué à 95% par du ploussard! Il aurait certainement mérité un carafage plus long, à défaut d'un vieillissement en cave plus important.***(*)

Arbois 2003 Les Grands Vergers, Michel Gahier: un trousseau à la texture dense et serrée, présentant une petite touche végétale. Complètement refermé et pas très expressif à ce stade. Il va falloir impérativement attendre les bouteilles qui restent!***(*)

Côtes du Jura En Barberon 2003, Stéphane Tissot: robe sombre et opaque, nez métallique, un peu dur, avec une déclinaison arôme Maggi. La bouche est relativement sphérique, un peu végétale, mais enrobée, avec du gras, malgré des tanins encore un peu durs. Finale accrocheuse, sans mâche ni astringence. A attendre encore un long moment, évidemment!***(*)

Pour fêter dignement un cinquantenaire, on ne dira pas de qui, ni l'âge exact (euh...! comment c'est déjà fait?), il fallait bien un gâteau d'anniversaire et quelques bouteilles pour l'accompagner!

L'école buissonnière (2004), Vin de table, La maison de Rose: un vin tout en délicatesse, sur les agrumes et les fruits exotiques, avec un équilibre demi-sec, tendu et acidulé, quasiment aérien. Sacré savagnin, va!****

Arbois La Cuvée des Amoureuses 2003, Michel Gahier: après le pur savagnin VT, un "paille" pur chardonnay, qui embaume des arômes de fruits secs, de figues, de raisins de Corinthe et de vieux Marc. J'aime beaucoup son équilibre sucre-acidité-richesse, qui laisse passer une petite pointe d'alcool type Marc d'Arbois en finale.****

Audace 2004, Stéphane Tissot: un moût 100% ploussard élevé sur la paille mais qui ne devrait y laisser personne. Nez original de pamplemousse rose, très frais. Belle bouche avec du gras et de l'acidité, sans sucrosité trop marquée, évoluant sur de petites notes de fruits à noyaux. Un vin qui appelle le chocolat!****

Relativement peu de difficultés pour convertir la coalition pharmacologique Doubs-Haut Doubs, si ce n'est ce petit leitmotiv, à la fois encourageant et décourageant: " Ah! bon, tu es sûr que c'est du Jura?"

Oui, oui, pas de pirate, c'était convenu dès le départ! Et puis, après hésitation, quelques étoiles, juste pour hiérarchiser le plaisir. Au dessus de ***, c'est tout bon, avec du potentiel entre parenthèses, ***** c'est top! Pour moi, en tout cas! Et pour nos amis épiciers aussi, il me semble, de véritables petits Saint-Thomas!

Olif