Le Président Américain a-t-il posé des jalons techniques de communication transposables à la vie politique Française ? La mode consiste à débattre sur les raisons du succès de Barack Obama et tenter de transposer les outils de sa campagne électorale.
Cette approche nous paraît vouée à l'échec pour deux raisons :
- elle confond objectifs et moyens,
- dès qu'une campagne sera baptisée comme "Obama bis", elle perdra sa force parce que le propre de la campagne d'Obama est d'avoir reposé sur l'innovation. Facebook, Twitter, Internet … ont été les moyens, les outils d'une campagne qui reposait sur un objectif considérablement plus ambitieux : répondre au besoin d'idéal de la société Américaine.
La campagne d'Obama, c'est d'abord la soif d'idéal. Dans cette soif d'idéal, c'est aussi la rencontre entre le "je" et le "nous". Pour donner un sens à sa vie, il faut assurer la rencontre de soi et des autres. Le développement personnel passe par un engagement social. Ce parti pris d'idéal, c'est l'axe stratégique de la campagne de Barack Obama.
Le choix fort a été ensuite, grâce à des outils, d'offrir de s'associer à cet idéal pour le transformer en idéal commun. Ces outils ont "vendu de la relation". Mais Barack Obama a d'abord "vendu de l'idéal", y compris par la force de son propre cursus personnel, mais, bien au-delà, par le symbole de tous ses grands projets. Les outils ont permis de bâtir l'adhésion du grand nombre à cet idéal puis de s'affirmer comme une "marque". Parce qu'on adhérait à la campagne de Barack Obama, on montrait que l'on partageait une vision et des engagements.
Ce faisant, il a probablement annoncé le renversement d'une tendance qui condamnait l'idéalisme au profit du réalisme. Il a annoncé la "conscientious living", c'est-à-dire un style de vie mesuré qui est la recherche de sens. C'est la fin du consumérisme ostentatoire (style de vie "bling bling"). La campagne Obama a démarré comme créatrice de valeur. Par son succès, elle est devenue créatrice de mode. Au moment où elle est devenue créatrice de mode, les "premiers engagés" ont d'ailleurs mal vécu la perte de leur différenciation initiale. Les rencontres avec les acteurs de la première heure étaient très significatives. Ils exprimaient presque une forme de regret d'être désormais suivis par tant de personnes. Ils s'estimaient dilués, dépassés. La marque distinctive initiale était en voie de disparition.
Par conséquent, toutes les approches qui consistent à analyser la communication de Barack Obama comme la mobilisation de réseaux communautaires, l'émergence d'un style de "cool attitude" qui rompt avec l'image classique du pouvoir … nous semblent passer à côté de la vraie vague de fond : répondre à la soif d'idéal comme rencontre entre un engagement personnel et une mobilisation collective. C'est le moment où la politique vient à la rescousse de la vie ; ce qui explique d'abord la mobilisation militante puis celle civique du vote. Parce que la vague de fond était celle-là, la crise d'octobre a amplifié la portée du phénomène Obama. La crise financière devenait la démonstration objective d'un radeau à la dérive. La confrontation entre ce nouveau style (Obama) et l'incarnation de ceux qui avaient failli au point d'amener le bateau au point de couler (McCain) produisait des effets encore plus implacables. D'où la sévérité de la sanction qui montrait la volonté de tourner une page avec force et détermination. L'ampleur du succès électoral de Barack Obama a été dépendante de cette accélération conjoncturelle qui a d'ailleurs totalement écrasé les dernières semaines de la campagne alors même qu'elles étaient décisives dans des circonstances ordinaires.
A côté de ces tendances de fond, des ruptures de méthodes sont intervenues dans la conduite même de la campagne comme dans le choix de nouvelles priorités.