L'américain Lockheed Martin appelé à dominer durablement le marché mondial

Publié le 26 août 2009 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

Même s'il s'annonce cher, le F35 du constructeur américain a de bonnes chances de dominer le marché sur le long terme. Pour ses concurrents, en revanche, sans gros contrat à l'export rapidement, l'avenir s'annonce sombre.

« Vae victis ! » Lorsque le Brésil, d'ici à quelques semaines normalement, et l'Inde, dans deux ans au mieux, annonceront à qui ils achèteront 36 avions de chasse pour le premier, 126 pour le second, les perdants de ces deux appels d'offres stratégiques auront peut-être en tête l'exclamation du Celte Brennus aux Romains. Car, pour les vaincus, incontestablement, les chances de se refaire seront minces. Sur les sept constructeurs de classe mondiale actuelle, au moins deux disparaîtront d'ici à vingt ans, pronostique-t-on chez Saab. Le suédois ayant même l'honnêteté d'inclure son Gripen dans la liste des victimes potentielles !


Non pas que les prospects manquent, au contraire. Mais, sans obtenir rapidement une ou deux références significatives à l'export, impossible de nourrir les bureaux d'études sur le long terme et donc de maintenir des compétences. Surtout quand les commandes nationales sont appelées à s'éteindre rapidement. C'est le cas de Saab, dont le projet d'avion de nouvelle génération a été rejeté par la Norvège et les Pays-Bas. Et Stockholm ne veut pas se lancer seul dans ce projet. C'est moins le cas de Dassault qui, au 30 juin, devait encore livrer 219 Rafale aux forces françaises. Et les négociations aux Emirats arabes unis pour la vente d'une soixantaine d'exemplaires du fleuron technologique français laissent miroiter une bonne nouvelle d'ici à la fin de l'année.

Faibles perspectives

Dans ce contexte, on imagine facilement que les deux concurrents européens placent beaucoup d'espoirs dans le choix du président brésilien Lula. A moins que ce dernier ne cède aux sirènes de Washington en optant pour le F18 Super Hornet de Boeing. L'appareil est également en compétition à New Delhi. Il fait même figure de favori face à ses six autres challengers. A cela près que, étant donné les précédents indiens, une décision dans un délai raisonnable est peu probable.

Du coup, certains n'hésitent pas à prédire une sortie de piste pour Boeing. La prévision n'est pas si incongrue que cela puisque les derniers F18 et F15 - qui donne en plus d'inquiétants signes de vieillissement seront livrés au Pentagone vers 2016 ou 2017. Pis, Boeing n'a aucune part dans le mégaprogramme F35 d'avions de combat de cinquième génération, entièrement dévolu à Lockheed Martin.

De leur côté, BAE, EADS et Finmeccanica viennent d'arracher partiellement la commande de la troisième et dernière ­tranche du programme européen Eurofighter (112 sur les 236 prévus). Après des négociations marathons. A l'export, le consortium peut compter sur les 72 exemplaires du contrat saoudien. Mais au-delà, les perspectives apparaissent minces. Alors, Saab, Dassault, le trio BAE-EADS-Finmeccanica ou Boeing : qui pour accompagner MiG, autre gloire du secteur, dont beaucoup s'accordent à dire que ses chances de survie sont faibles ?

L'avenir le dira. Pendant ce temps-là, chez Lockheed Martin, on peut afficher une relative sérénité. Car, dans l'univers des avions de combat, il y a bien Lockheed Martin et les autres. Avec son F35, le constructeur américain est quasi assuré de dominer ses concurrents sur le long terme, pronostique Richard L. Aboulafia, analyste chez Teal Group. Certes, le Pentagone compte ses sous et les coûts de l'appareil ont fortement dérapé. Mais, incontestablement, ce sera l'avion du futur des forces américaines, même si, in fine, les 2.400 exemplaires prévus ne sont pas tous au rendez-vous. De quoi provoquer un effet de souffle à l'export : Israël en a déjà commandé 25 fermes plus 50 en option.

Arme nationale stratégique

Le F35 pourrait ainsi tuer l'industrie européenne, quand bien même, trop cher, trop précoce et trop complexe, il est absent des compétitions brésiliennes et indiennes. Aux yeux de Washington, estime Richard L. Aboulafia, cet appareil est bien plus qu'un avion de nouvelle génération, c'est une arme industrielle nationale stratégique. Paradoxalement, une partie des intéressés eux­mêmes auront contribué à se saborder. En rejoignant le programme F35, Londres, Rome et Amsterdam ont en effet détourné une partie de leurs - déjà faibles - budgets de R&D. En attendant de passer commande une fois l'appareil mis au point. Sauf revirement politique, les chances de voir émerger un avion de combat de sixième génération « made in Europe » sont donc très minces.

Source du texte : LES ECHOS