A la mémoire de mon père, instituteur de cours préparatoire, rigoureux mais ouvert comme en a témoigné son utilisation des méthodes Freinet, intransigeant sur l'effort nécessaire à la connaissance mais soucieux du développement global de l'individu, sévère mais juste jusqu'au bout des détails, généreux et sincère, austère et passionné, désintéressé comme c'est difficile à concevoir aujourd'hui.
Il fut marqué par la deuxième guerre mondiale et la mort de sa mère pendant qu'il était au front puis par la tragédie de l'Algérie où il alla enseigner à dos de mulet dans le djebel cette belle langue française et notre civilisation, puis il y eu les drames personnels, mais jamais je ne l'ai vu aller enseigner en reculant ou simplement par habitude.
Merci au docteur Serge B. qui un jour d'Août 2009 quand je lui racontais cette histoire a eu ce mot: "Oui un maçon sans tablier" c'est un peu cela, dans l'esprit des fondements maçonniques!
Cette passion qu'il a vécu nous l'avons quelque peu partagée car il parlait beaucoup de l'école à la maison et tout était pédagogie. De la rhétorique politique à la science, les repas étaient animés de ces discussions interminables où nous challengions ses idées et où il répondait avec calme et argumentait ou expliquait de manière itérative sans se lasser.
L'école noyée dans l'éducation nationale est à la dérive. Le fossé s'est creusé entre l'école de mon père et celle de mes enfants. Voilà pourquoi quand je lis un article sur l'école je reste éveillé! Chacun pourra trouver sur ce blog cette magnifique citation de Nietzsche:
" Deux courants en apparence opposés, pareillement néfastes dans leurs effets et finalement réunis dans leurs résultats dominent aujourd'hui nos établissements d'enseignement initialement fondés sur de tout autres bases : d'une part la tendance à élargir autant que possible la culture, d'autre part la tendance à la réduire et à l'affaiblir. Selon la première tendance, la culture doit être transportée dans des cercles de plus en plus vastes, selon la seconde on exige de la culture qu'elle abandonne ses plus hautes prétentions à la souveraineté et qu'elle se soumette comme une servante à une autre forme de vie, nommément celle de l'Etat. "
F. Nietzsche
C'est aussi pourquoi je suis agacé mais certainement pas surpris par les propos communicants de notre nouveau ministre de l'éducation nationale. Luc Chatel a largement dépassé son niveau de compétence en affirmant:
"L'éducation nationale doit être un réducteur d'inégalités".
Le Monde, à l'affût de toute déclaration socialisante en ces temps de vaches maigres où la gôche se réduit comme peau de chagrin gangrénée par toutes sortes de maux, en fait un article. Et on en remet une couche sur les moyens qui manquent, ces moyens nécessaires, indispensables et pourtant surabondants. La répétition est pédagogique même quand il s'agit de mensonges ou plus simplement de slogans syndicaux! Il n'y a jamais eu autant d'enseignants par élève même si on exclut du rapport les enseignants qui n'enseignent pas. Il n'y a jamais eu autant d'argent public dépensé pour ce que l'on appelle l'EN. Mais revenons à notre ministre de centre droit.
Non Mr Chatel, vous ne convaincrez pas les syndicats en essayant de mimer leur logomachie idéologique ou en leur faisant des concessions! Non l'école et l'enseignement ne sont pas l'éducation nationale (EN) car votre EN on ne sait plus trop ce que c'est à part d'être notre plus gros poste de dépenses publiques. Peut être un vaste parc de loisirs et de socialisation mais certainement plus un lieu d'acquisition des savoirs. Probablement le plus grand champ d'expérimentation syndicale marxiste de tous les temps mais certainement plus un lieu de démocratie. L'école, le collège, le lycée et l'université doivent simplement être efficaces pour donner sa chance à chacun et non une chance (laquelle) à tous (collectif approximatif). Efficaces cela signifie que l'objectif est d'apprendre, cet objectif doit subordonner tous les autres, il doit transcender toutes les opinions et en particulier s'imposer aux désobéissances. Efficaces cela signifie que le niveau de savoir peut être mesuré et amélioré. Or il est faible et vous préférez l'ignorer que le mesurer. En inversant la problématique (l'EN réducteur d'inégalités au lieu de l'enseignement de l'excellence) vous détruisez l'école et vous cédez à la transformation de l'EN en une machine idéologique la conduisant à un échec encore plus retentissant.
Références
1/ http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/08/25/luc-chatel-promet-l-architecture-du-nouveau-lycee-courant-septembre_1231593_3224.html
2/ http://fr.wikipedia.org/wiki/Célestin_Freinet