Magazine Insolite
L'inconnue du Parc de la Tête d'Or... "Dites-leur pourquoi je pleure lorsqu'ils rient..."
Publié le 07 octobre 2007 par Sarah Oling
Je me souviens encore d'Elle et de son regard. Tous les après-midi, quand les enfants commençaient à s'agglutiner en riant
contre la vitre, je la voyais se lever de son banc et s'approcher à pas menus. C'était le temps de son regard, abolissant l'espace et la vitre entre nous. Je voyais ses lêvres remuer, elle
s'adressait aux enfants. Soudain ils ne riaient plus. Ils restaient quelques instants à me fixer puis s'éloignaient en grappe remuante. Alors il n'y avait plus de vitre, plus de douleur. Il n'y
avait qu'Elle, ses yeux dans les miens. Je plissais un instant mes paupières en un signe amical. Que pouvions-nous faire d'autre, chacun d'un côté de ma frontière de verre?
Puis le banc a disparu, ils ont enlevé les autres autour de moi. Je suis resté là, face à leurs rires. Ils ne savent rien de moi ni de ma fratrie, rien des échappées sibériennes en meute
joyeuse, ni des steppes glacées de mon enfance. Il fut un lieu qui me vit libre, libre de courir , de bondir même, sur un territoire bien plus grand que ce parc qui me retient prisonnier. Il
fut un espace où l'on me craignait, où les hommes fuyaient à mon approche, moi qui ne voulait que leur faire comprendre...
Comment leur faire savoir que la cage dans laquelle ils me retiennent n'est que l'expression de leurs peurs et que celui qui détient la clé n'est pas à l'abri de ses fantômes? Ce
qu'Elle venait me transmettre, c'était la confiance dans notre destinée. Aujourd'hui, pour les rieurs, je suis le loup blanc qui louche, mais je sais qu'il existe un ailleurs où je redeviendrai
celui qui était le plus beau de la meute.
Alors dites-leur que si je pleure lorsqu'ils rient de moi, c'est que grâce à Elle, j'ai appris la compassion.