« [...] un roman aujourd'hui peut posséder deux sortes d'atouts pour surnager dans le tsunami de la rentrée. Le premier : c'est un livre où un fait littéraire apparaît avec évidence (originalité, style, profondeur de la pensée, musique, etc.). On en a lu [..]. Ces livres-là existent en eux-mêmes. Mais ils ont besoin de temps pour exister auprès des lecteurs. Le temps de digérer la nouveauté, de la faire connaître (rien de mieux que le libraire et le bouche à oreille pour ça). Un temps que la mécanique du commerce ne leur accorde pas. La plupart des livres qui sortent aujourd'hui auront disparu dans deux mois.
D'où la deuxième série d'atouts dans le jeu des candidats au succès : le fait extra-littéraire. Par exemple : l'identité de l'auteur qui serait, voyons, disons la fille d'un homme politique. C'est un atout non négligeable. Si, à cela on pouvait ajouter un brin de scandale, comme, par exemple, un sujet romanesque sanglant (le sexuel graveleux étant une marque déposée de Houellebecq), ce serait mieux. Ensuite, la menace d'un procès (Houellebecq encore, Marc Weitzmann ont testé avec bonheur). Là tout de suite, ça marque des points : les pleureuses par anticipation viennent fissa crier à la censure, à l'ordre moral : c'est jackpot à la sortie des caisses. Vous remarquerez que pour ces livres-là, il n'est nul besoin de parler du contenu littéraire. C'est dommage, certes, que la place qu'ils occupent alors soit autant de moins accordée aux autres ouvrages, mais bon, pour faire aimer les livres à ces ânes de lecteurs, mieux vaut leur parler people, scandale que champ lexical. Reste que certains livres peuvent bénéficier d'une main favorable et posséder les deux sortes d'atouts dans leurs jeux. Alors ? Ben il faut les lire. Et que les critiques qui s'en plaignent fassent alors un autre métier. [...] »
Extrait de l'éditorial de Thierry Guichard, le matricule des anges n°86, septembre 2007.
Pour ma part, rien à ajouter. Et vous ?