Alberto Contador, une aura à construire
Publié le 26 juillet 2009 par Jeanpaulbrouchon
Pour la deuxième fois Alberto Contador inscrit son nom au palmarès du Tour de France. Déjà vainqueur de l’épreuve il y a deux ans, ce succès n’avait pas eu le retentissement alloué en règle générale au vainqueur car c’était le Tour de sinistre mémoire, celui de l’éviction de Rasmussen et de Vinokourov.
Cette fois encore, il est à craindre que Contador ne jouisse pas d’une reconnaissance totale de la part du monde cycliste pour plusieurs raisons dont voici quelques unes :
- Dans l’esprit du grand public, ce Tour est avant tout celui de Lance Armstrong. Ce dernier a réussi son retour à la compétition malgré Contador auquel il a fait subir un véritable martyr psychologique.
-
Contador n’est pas un grand communiquant. Son histoire a pourtant de quoi faire pleurer dans les chaumières, mais il ne la clame pas sur les toits. En bref, Alberto Contador est issu d’une modeste famille d’unbourg de 40 000 habitants, Pinto, situé à 20 kilomètres
au sud de Madrid ...
Son enfance est difficile car son jeune frère, Raul, souffre de déficience mentale et les parents n’ont pas les ressources nécessaires pour le faire soigner dans un établissement spécialisé. Il commence à pédaler pour s’amuser avec les copains du village jusqu’au jour ou un éducateur le remarque et l’inscrit dans un club. Il effectue ses premières compétitions sur le vélo de son frère aîné qu’il a vaguement retapé et repeint en bleu pour faire comme les « vrais » coureurs.
Devenu professionnel, il est pris de convulsions lors de la première étape du Tour des Asturies. Il perd l’équilibre et chute lourdement sur la chaussée. Il est conduit à l’hôpital d’Oviedo
ou l’on diagnostique un début de rupture d’anévrisme. Il sort de l’hôpital mais sa santé se détériore. Transporté en urgence dans un hôpital de Madrid,
il est opéré durant cinq heures pour retirer un œdème logé dans le crâne à un endroit particulièrement sensible ou le risque d’un futur état végétatif est grand. L’opération a lieu dans les meilleures conditions.
Il se réveille avec 70 points de suture d’une oreille à l’autre et deux plaques de titane dans le crâne mais avec toutes ses facultés initiales. Deux mois plus tard, il recommence à marcher et sept mois plus tard, il est sur son vélo. En janvier 2005, soit sept mois après son opération il remporte en Australie la plus difficile étape du Tour Down Under. Il est définitivement guéri. C’est, selon son propos, la plus belle victoire de son palmarès. La suite, on la connaît. A 27 ans, il a déjà à son palmarès les trois grands Tours nationaux dont deux fois le Tour de France.
Chez lui, en Espagne, Contador n’est pas considéré comme un grand du sport. On lui préfère et de loin le joueur de tennis Nadal, le pilote automobile Alonso, et bien entendu les joueurs de football. D’ailleurs dans la Péninsule Ibérique
, le cyclisme n’est pas un sport majeur. Même le Tour d’Espagne n’a pas une grande notoriété. Les audiences télévisées de cette épreuve sont médiocres comparées à celles du football et ceux qui ont déjà suivi cette épreuve savent que la foule est loin d’être au rendez-vous. Même la dernière étape, pourtant disputée dans les grandes artères du centre-ville, n’attire pas beaucoup de spectateurs. Dans les journaux de sport, sur 40pages, 35 sont en général consacrées au football et le reste à quelques autres sports.
Contador souffre enfin de la présence à ses débuts du sulfureux Manolo Saïz. Il court d’abord pour ONCE puis pour Liberty Seguros avant d’intégrer Discovery Channel en 2007 et Astana l’an dernier. Son nom circule sur une liste de coureurs liés à l’affaire Puerto mais il est blanchi par la justice de son pays. Cependant la suspicion s’installe sur ses performances. Le dernier en date à mettre ses performances en doute est l’ancien vainqueur du Tour, l’Américain Greg LeMond. Dans une chronique du journal Le Monde, LeMond s’appuie pour alimenter la suspicion sur des travaux réalisés par un ancien entraîneur de l’équipe Festina en 1998 dont le fonds de commerce est de mettre le cyclisme en équation. Travaux d’ailleurs complètement démantelés récemment par un chercheur américain de renom. Dans la caravane du Tour on a évoqué ce problème. Contador s’est contenté de répondre : " Je suis localisable 365 jours par an. Cela me suffit. Je passe tous les examens qui me sont imposés. Je n’ai rien de plus à dire sur ce sujet ".
Contador n’est pas un objet à vendre. Il ne parle pas d’argent ni de salaire. Il ne cherche pas à se vendre au plus offrant. Son frère s’occupe seul de ses intérêts. Pour le moment le seul souci des frères Contador en dehors de trouver une autre formation pour l’an prochain ou, pourquoi pas, de rester chez Astana en l’absence d’Armstrong, est de créer une fondation en faveur des déficients mentaux.
Jean-Paul Brouchon