Dans la nuit du 20 au 21 juillet, alors qu’on célébrait un peu partout les 40 ans de la marche de Neil Armstrong sur la surface de la Lune, Antony Wesley, un astronome amateur australien, découvrait la trace sombre d’un impact qui signait, sans ambiguïté, la désintégration d’un astéroïde ou d’une comète dans les couches denses de l’atmosphère de Jupiter.
On peut voir, dans l’enquête que nous publions dans ce numéro, l’efficacité du réseau des observateurs qui furent alertés, et la qualité des images aussitôt collectées. C’est qu’il n’y avait pas de temps à perdre. L’étude de la trace du mystérieux bolide est le seul élément matériel sur lequel s’appuyer pour identifier la nature de l’impacteur – sa taille, sa composition et sa vitesse – et déterminer son origine.
Ainsi, très vite et grâce au précédent événement de 1994, les planétologues ont commencé à brosser le portrait robot de l’astre kamikaze : un “caillou” ou un bloc de glace sale de quelques centaines de mètres de diamètre, plongeant à la vitesse de 60 km/s dans les nuages de la haute atmosphère jovienne !
On pourrait se féliciter de la beauté du spectacle, dû à la vigilance des observateurs amateurs et à l’efficacité du système d’alerte sur la Toile, mais ce serait occulter deux points fort… intrigants.
Le premier, c’est qu’auparavant, et contrairement à la comète Shoemaker-Levy 9, aucun corps n’a été repéré comme suivant une trajectoire de collision avec la planète géante. Que cet intrus est passé à travers les mailles du filet de la détection automatique…
Le second concerne la fréquence de ce type d’événement. Alors qu’on pensait ces collisions exceptionnelles, que les statistiques précisent qu’en moyenne on peut s’attendre à un impact tous les demi-millénaires pour
un objet de quelques centaines de mètres, l’échéance de temps qui sépare les deux observations récentes est bien courte.
De là à en conclure qu’il nous faut réviser nos prévisions sur la fréquence d’impactisme, il n’y a qu’un pas. Que n’hésiteront pas à franchir tous ceux qui, de par le monde, préconisent d’attacher plus d’importance – et donc de moyens – à l’étude des petits corps susceptibles d’entrer en collision avec la Terre. On l’a souvent écrit ici, et montré à travers des enquêtes et des reportages, il reste encore du chemin à parcourir avant de ne plus craindre que le ciel nous tombe sur la tête.
Il faut finir de recenser tous les corps à risque, les surveiller, et mettre au point des méthodes efficaces et réalistes pour les dévier. On en est loin. Et l’événement qui frappe Jupiter est comme une piqûre de rappel sans frais : un jour, demain ou dans quelques siècles, ce sera au tour de la Terre. Au nôtre. C’est même l’une des rares prévisions sur laquelle tout le monde s’accorde.
Alain Cirou directeur de la rédaction de Ciel & Espace