Photographie : Physiologies Parisiennes (1886) d'Albert Millaud (1844-1892).
Dans Physiologies Parisiennes (1886), Albert Millaud (1844-1892)
consacre tout un chapitre au « vrai parisien » : « Le vrai Parisien est né à Paris […] Le Parisien pur sang se reconnaît à un déhanchement particulier, quand il marche, et sa
continuelle flânerie. Dès qu’un passant s’arrête pour regarder en l’air ou pour se réunir à d’autres passants rassemblés soyez sûrs que c’est un Parisien. Le Parisien est avant tout badaud. Il
regarde passer une noce ou un enterrement, comme s’il n’en avait jamais vu. Il aime les militaires et les suit, sur le trottoir, quand il a un chapeau et sur la chaussée quand il a une casquette.
Le Parisien ne sait pas grand’chose ; mais il se mêle de tout, et dit son opinion avec autorité. Il adore pérorer le public et trouve que tout ce qu’on fait est mal. Si on l’écoutait, on
ferait mieux. […] Il n’a aucune initiative, et ne sait pas encore, quand il prend le chemin de fer, à quel guichet il faut s’adresser. […] Le vrai Parisien, quelle que soit l’éducation qu’il a
reçue, grasseye en parlant et se moque des gens qui vibrent. […] Il a toujours dans sa famille une tante ou une vieille bonne qui lui ont appris à traîner en parlant, et il traîne tant qu’il
peut. Le Parisien ne prononce les u qu’eu et
les eu qu’u. Je connais des fils de famille qui disent « eune chaise » pour « une chaise » et Ugène pour Eugène, c’te pour
cet, ed pour de. C’est dans le tempérament parisien. L’e muet le gêne, il dira volontiers : C’est eune tuill quim’ tombe su l’dos. Un académicien, né à
Paris, parle absolument cette langue, quand il se laisse aller ... »
Un article de Le Furet des salons de vers 1825 intitulé : 'Portrait du Parisien' (voir photographies et la description) décrit ce personnage à l'époque : « Les premiers éléments d'une éducation parisienne consistent à dire poliment une chose incivile, agréablement une chose indifférente ; à glisser comme une ombre parmi la foule, à ployer la tête quand il le faut, à saisir avec un instinct subtil la nuance du moment, le ton du jour. S'il est grave, ce n'est point sa faute : c'est le ton depuis trente ans ; il existe au milieu de son sérieux affecté, des moyens infaillibles de le reconnaître : c'est le noeud de sa cravate, la forme de sa botte, l'élégante souplesse de sa badine, l'adresse avec laquelle son pas élastique bondit de pavé en pavé. Ses affections sont peu profondes ; il n'est capable ni de haine ni d'amour. La caricature, l'épigramme, quelques mots piquants, c'est là son poignard, son stylet, son poison. Personne ne balotte plus rapidement, plus vivement les opinions, les idées, les principes. Si le Français est l'enfant de l'Europe, le Parisien est l'enfant de la France. »
Si le parisien n’est pas un petit-maître, les petits-maîtres sont presque toujours des parisiens. Dans Les Lois de la Galanterie, Charles Sorel (vers 1582 – 1674) exprime ouvertement que le seul lieu valable pour la Galanterie est la capitale française, et cela dès le premier paragraphe de son livre : « Nous, Maîtres souverains de la Galanterie, étant assemblés, selon notre coutume, pour la publication de nos lois, qui est quelquefois renouvelée plus souvent que tous les jours [leur coutume étant de ne suivre aucune loi : rappelons que l'auteur est dans sa jeunesse dans la mouvance des libertins], Avons arrêté qu'aucune autre Nation que la Française ne se doit attribuer l'honneur d'en observer excellemment les préceptes, et que c'est dans Paris, ville capitale en toutes façons, qu'il en faut chercher la source. Les esprits Provinciaux n'auront point aussi l'air du grand monde sans y avoir fait leur cours en propreté, civilité, politesse, éloquence, adresse, accortise [savoir être accort], prudence mondaine, et s'être acquis toutes les autres habitudes dont la vraie Galanterie se compose. Encore avec tout cela ne pourront-ils pas exercer notre Art illustre dans leurs villes éloignées, pour ce qu'il n'a cours véritablement que dans Paris, ville incomparable ou sans pair, de laquelle lorsque les vrais Galants sont éloignés, ils se trouveront comme les grands poissons de la mer dans une petite mare où ils ne peuvent nager faute d'eau, si bien que celui qui porte cette dignité ne s'éloignera que le moins qu'il lui sera possible d'un lieu qui est son vrai Élément. »
Photographies : Petit opuscule de mode de 4,5 x 6,6 cm, de vers 1825, intitulé : Le Furet des salons, écrit peut-être par César Lecat baron de Bazancourt (1810-1865), contenant de courts articles sur la mode du temps dont l'un intitulé 'Portrait du Parisien'. Les photographies représentent le livre à peu près à son échelle.