Certains se disent surpris par la politique clairement islamophile de Barack Obama. Leur surprise me surprend, car cette stratégie s'inscrit pleinement dans l'intérêt des Américains pour affaiblir l'Europe, l'un de leurs concurrents majeurs sur la scène internationale.
Certes, si McCain était à la place d'Obama aujourd'hui, il ne mènerait certainement pas la même politique, preuve que la démocratie existe encore aux États-Unis. Mais la grandeur des Américains est de savoir toujours trouver leur intérêt, quels que soient le parti ou la personnalité élus.
Ainsi, Barack Hussein Obama a clairement séduit le monde et en particulier le monde arabo-musulman, de par ses origines mais également de par sa volonté de reconstruire la confiance après huit années de Bush et sept d'après-11-septembre. Le discours du Caire fut le premier pas important, suivi de la mise en garde d'Israël sur ses colonies et sa politique vis-à-vis de l'Iran, et maintenant voilà qu'il souhaite à tous les musulmans un " bon ramadan ".
Obama s'inscrit donc dans une stratégie américaine qui avait déjà fait ses preuves, sous Clinton notamment, et qu'Alexandre Del Valle avait brillamment analysée dans un livre paru en 1999, Islamisme et États-Unis : une alliance contre l'Europe, aux éditions l'Age d'Homme.
Citons-en un passage particulièrement éclairant :
L'exacerbation, par les Américains, de l'antagonisme Occident / empire soviétique servit jadis à justifier l'américanisation de la civilisation ouest-européenne et l'on sait aujourd'hui que la Guerre froide opposant l'Est et l'Ouest masqua souvent une entente secrète entre l'URSS et l'Amérique conçue pour réduire la puissance européenne (cf. guerres de Suez et d'Algérie). [...] Il en va à peu près de même pour ce qui est du prétendu affrontement islamisme / États-Unis. En dépit des récents attentats anti-américains d'août 1998, l'Amérique et l'islamisme demeurent des " ennemis-alliés ", deux concurrents interdépendants sur le marché mondial du totalitarisme planétaire. Si l'islamisme devait un jour prendre la place du communisme dans le rôle d'ennemi existentiel des États-Unis, il servirait également à légitimer la mainmise stratégique de Washington sur le Vieux Continent, menacé en son sein par des abcès de fixation et des irrédentismes islamistes (ex-Yougoslavie, Albanie, Thrace, Tchétchénie, etc.), d'ailleurs sciemment entretenus par le Pentagone...
Les " atlantistes " européens devraient prendre conscience que les Américains, après avoir favorisé pendant plus de trente ans le réveil du courant le plus radical et anti-européen de l'islam, ont une responsabilité historique, avec les Anglais, dans l'échec de l'islam réformiste, et qu'ils ont exacerbé, à leur unique profit, la fracture de civilisation entre l'Islam et l'Europe, cassure génératrice de menaces durables pour la paix et dont les premières victimes sont les habitants de la Méditerranée, chrétiens comme musulmans.
Depuis le 11 septembre 2001, on le sait, Del Valle a radicalement changé d'analyse, en suivant la nouvelle doctrine américaine de Bush. Mais il semble que les Américains, à travers Obama, reviennent à leurs amours passées, en jouant toujours plus cette carte de l'Islam contre l'Europe. L'autre carte étant la construction européenne, qui affaiblit chacune des nations européennes en créant un ventre mou dans lequel tous les Européens sont impuissants et obligés de se mettre sous le parapluie américain, que ce soit de l'OTAN ou de Google par exemple ( la BNF est en train d'être complètement numérisée par cette entreprise).
Le symbole de cette stratégie se trouve sans le moindre doute dans la Turquie, à la fois source d'affaiblissement et d'islamisation de l'Union européenne si elle y rentre (ce que les Américains souhaitent de toutes leurs forces). On voit toutefois la continuité de la stratégie de puissance américaine dans le fait que Bush était déjà pour l'entrée de la Turquie dans l'Europe.
Enfin, ceux qui pensent que cette politique est suicidaire pour les États-Unis eux-mêmes oublient simplement que ce pays ne compte que 8 millions de musulmans (sur une population de 305 millions d'habitants), alors que l'Europe en compte déjà proportionnellement 5 fois plus. Et l'immigration venant aux États-Unis est principalement latino-américaine et asiatique, alors que celle qui vient en Europe est majoritairement musulmane.
La seule question qui vaille est toutefois la suivante : l'Europe étant occidentale, sa place n'est-elle pas aux côtés des États-Unis, contre l'Islam ? Il semble qu'Obama ne s'en soucie guère, ce qui sera sans doute sa plus grande erreur de président des États-Unis.
Jean Robin
Criticus, le blog politique de Roman Bernard.
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