Madame DE ROIBLASSE
Madame De Roiblasse étonnait le tout Paris tant son charme et son intelligence rayonnaient dans les salons de la haute bourgeoisie.
De la fenêtre du hall d'entrée, elle guettait avec impatience le retour de ces jeunes gens, comme un chat guette sa proie. Cela lui aurait bien plu d’aller avec eux, mais son grand respect
devant cette nouvelle jeunesse lui fit reculer son désir. Son prénom Joséphine lui venait de son arrière grand-mère réputée d’être une femme de tête. Joséphine qui était dotée de beaucoup de
goût s’intéressait aux gens de l’Art, de la peinture et de la musique qui prenaient à cette époque un tournant Jazz-blues, grande mode de l’année.
Elle était préoccupée par sa réception proche.
Sa fille Colette l’aidait énormément dans les courriers. Quand à Ignace notre Majordome, il s’épuisait dans les allées-retours entre la demeure et la grande poste du boulevard Hausman
afin d’envoyer dans les délais les cartons d’invitation. Il les prenait avec précaution car chacun était dessiné sur un parchemin authentique, de la main du peintre d’Henri Lemoine. La
famille ne comptait pas l’argent. L’ensemble était réalisé avec une extrême délicatesse. Lors des réceptions toutes les tables étaient recouvertes de belles nappes brodées multicolores.
Les chandeliers illuminaient la pièce principale principale avec l’éclairement d’un soleil d’été.
Tout était passé en revu la veille et rien n’était laissé au hasard. Ce n’est que le lendemain dans le courant de l’après-midi que les fleurs arrivaient. Leur disposition était laissée au
petit soin d’Ignace qui savait si bien le faire.
« Aujourd'hui le livreur des galeries Layette m'a apporté une centaine de petits cartons.
Je pense que cela devrait suffire pour le bal que nous organisons.
Mais où ais-je déposé mes lunettes ! Nous ne devons oublier personne!
Colette, voulez vous avec moi revoir cette liste, elle se trouve dans mon carnet rouge que j’ai placé dans la commande de la bibliothèque à l’anglaise du premier étage ? »
Comme un petit chat Colette revenait en portant précieusement le carnet d’adresse.
« Voyons un peu » faisait mine d’inquiétude sa mère.
« Nous avons Monsieur Millerand, le politicien, qui se placera en face de mon époux, à ses cotés nous placerons Monsieur Zola
puis Monsieur Monnet, l’écrivain Mirbeau… »
Elle n’en finissait d’énumérer lorsqu’Ignace fit son apparition.
« Madame nous avons un gentleman venu des Amériques dit –il , qui désire avoir un entretien avec votre personne. Que dois-je
lui dire ? »
« Que lui dire ? Mais qui est-il ? Le savez vous Ignace ?»
« Je l’ignore, Madame, il n’a pas décliné son nom il dit qu’il vient de la part de Monsieur Eiffel et qu’il est chargé d’une
mission secrète. »
Le fait d’avoir prononcé ce mot Madame De Roiblasse se sentit touchée de recevoir en sa demeure une soudaine confidentialité.
AURORE