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J'ai du mal à la regarder dans les yeux!Valérie, voisine et lesbienne, est sur le pas de la porte et en culotte: un triangle rose se superpose à un autre triangle sombre. Un peu de foin déborde de la charrette."-t'as de l'ail?- sans doute, entre!"Nous sommes tous les deux célibataires temporaires et nous nous croisons parfois dans le jardin, elle en bermuda et moi rasé.Je suis en mode clodo depuis quatre jours. Je vis avec les volets entrouverts et je n'ai pas ouvert la bouche depuis le même temps.Ma complice finit ses vacances dans sa famille sans moi qui évite ma belle-mère et celle de Valérie, je ne sais pas. Habituellement, elle vient se connecter chez nous attendant d'avoir sa propre connection.Habituellement, elle s'assoit. Aujourd'hui, elle s'accoude au bureau, négligeant le siège, cambre son dos et tapote distraitement le clavier en offrant sa croupe inconsciemment."- thé? proposé-je laconique: j'ai un peu chaud aux oreilles de cette intrusion brutale de sa féminité dans ma solitude et mon élocution s'en ressent.Elle oublie l'ordi et s'acagnarde dans le fauteuil sous la mezzanine en écartant les cuisses involontairement, jambes repliées sous les fesses en position du scribe de Thèbes.- Volontiers! Fabrina est partie? je ne l'ai pas vu depuis lundi, répond-elle verrouillant son regard dans le mien.- tu ne devais pas partir à la montagne enchaine-t-elle charitablement: je suis incapable de former une phrase et je lui tend le paquet de Cérébos.- de l'ail, pas du sel.in petto, je l'imagine en gigot et moi en gousse d'ail.- J'ai envie d'y être, pas d'y aller.- ???- Je diffère mon départ depuis mardi. Pas envie de me taper trois heures de bagnole.Elle rit en basculant la tête en arrière innocemment. Je baisse involontairement les yeux. Elle me surprend en train de réfléchir fixement sur sa vitrine entrebâillée.- faut se décider dit - elle sans malice.- t'as raison, dis-je en m'éloignant dans le couloir- j' infuse? demande-t-elle saisissant la théière.- vas-y, je vais chercher ton ail"Elle se marre: la cuisine est dans l'autre direction!Je me dirige vers les toilettes pour une vidange express sans rendez-vous.Marrant: Je pense, entres autres, qu'elle explore ce coté masculin opportuniste affectif en usant de son célibat provisoire et moi, mon coté féminin autiste et lucide sur les impérieuses nécessités, tandis que je m'agite d'un poignet qui n'a pas perdu la main.Cinq minutes chrono plus tard, sans un gémissement au moment de la délivrance, j'émerge et réapparaît dans la pièce où je la trouve une tasse à la main lisant "Zéro de conduite" sur mon blog.De connivence, nous poursuivons notre conversation rassuré par le même soulagement.Sans doute le besoin de troubler et d'émouvoir sans risquer une balle perdue lui suffit-il.