La Société protectrice des animaux, à New-York, est parvenue à faire cesser la mode, très répandue parmi les Américains, cet hiver, de porter sur leurs toilettes, de même qu'il y a quelques années, des scarabées du Brésil, des caméléons vivants attachés à une petite chaîne d'or retenue au corsage par une épingle de luxe. Cette mode a même fait fortune parmi les jeunes élégants.
Elle avait commencé à l'Exposition de Chicago. Il y avait dans la section Floride un comptoir où l'on vendait des caméléons attachés à des épingles, et les visiteurs en emportèrent des centaines de mille. Le caméléon fit fureur. La demande augmentait constamment ; plusieurs maisons en approvisionnèrent Chicago, où ces petits animaux furent expédiés par grandes caisses.
Depuis, presque tous les marchands de nouveautés aux Etat-Unis ont continué à en vendre des quantités. Un commerçant français dans Broadway, à New-York, qui les faisait payer d'abord un dollar, dut, par suite de la concurrence, réduire le prix à 57 cents, puis à 27. Mais, sur l'intervention d'agents de la Société protectrice des animaux, il en a suspendu la vente, au grand désespoir de ses clientes. Par suite de cette intervention, il est devenu difficile de se procurer des caméléons et l'on en offre de nouveau maintenant un dollar et plus.
Les gens qui achetaient des caméléons, a déclaré un agent de la Société protectrice des animaux, les traitaient comme un simple joyaux ou une pierre. On les tenait cruellement enchaînés, sans les nourrir et sans les protéger contre le froid. Aussi mouraient-ils par centaines. Les dames dansaient toutes la nuit, ayant ces pauvres petites bêtes au trois quarts mortes sur leur poitrine.
La Société y a mis le holà et l'humanité vient de l'emporter sur ce nouveau caprice barbare et tyrannique de la mode.
Article de 1894