Du continent à l’île de Sein, le passage se fait par un bateau touristique bien ordinaire. Il est moins rempli que prévu : le temps est maussade. Depuis Esquibien, durant quarante minutes, il longe consciencieusement la côte.
À droite, les rochers hachés ; à gauche, le large, nuages sur fond de nuages, symphonie de gris, lueurs magiques, douches embrunées. Ça secoue un peu.
On arrive à la pointe du Raz, qui annonce le phare de la Vieille.
Passé le cap, une stupeur agitée s’empare des passagers. Le bateau inexorable semble trouver un second souffle. Soudain les oiseaux se font nombreux à l’accompagner. Ils sortent d’on ne sait où, des profondeurs certainement, comme pour inciter le bateau à continuer, l’entraîner dans le mouvement, l’empêcher de renoncer. Pas des mouettes, pas des goélands, pas même des cormorans : mi-oiseaux mi-reptiles, des démons ailés, très beaux, qui jouent l’indifférence vis-à-vis de ces pauvres pécheurs qu’ils accompagnent pourtant. Ils avancent bien plus vite que ne le laisse supposer le tournoiement de leurs ailes trop longues : c’est une force surnaturelle qui les pousse.
Le Phare de la Vieille se dresse, pas bien haut mais bien campé, comme au sommet d’un pic enneigé sortant de la couche de nuages. Là-bas, le ciel de Sein laisse entrevoir des lueurs inouïes. La Plate sonne la fin du bal, les fous de bassan abandonnent leur poursuite : la cargaison d’âmes est lancée, en route vers cet autre monde.
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Pour des explications photographiques sur ce type de panoramiques, lire l’article “Expériences panoramiques à Buguélès“.