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A l’ombre des tours de Manhattan
Publié le 23 août 2009 par BoustouneLittle New York entremêle trois histoires, destinées croisées de trois personnages habitant Staten Island et ayant en commun d’aspirer à une vie meilleure.
Il y a tout d’abord celle de Parmie Tarzo, grand ponte d’un clan de la mafia locale qui rêve de devenir célèbre par n’importe quel moyen. Après s’être lancé dans d’absurdes et vaines tentatives pour obtenir une place dans le Guinness book des records, il décide de construire sa notoriété sur ce qu’il sait le mieux faire : être un truand ! Son nouveau but est de devenir le plus grand mafioso depuis Al Capone. Pour ce faire, il lui faut éliminer tous ses concurrents et donc déclarer la guerre aux autres clans. Une idée mégalomane qui ne plaît pas à tout le monde, y compris dans son propre camp et qui va lui valoir quelques « petits désagréments »… Mais aussi, de façon inattendue, la gloire après laquelle il courrait…
Il y a aussi celle de Sully, qui se retrouve, comme dit l’expression, « dans la merde jusqu’au cou… », au sens propre comme au figuré… Au sens propre parce qu’il est vidangeur de fosse septique, métier charmant s’il en est… Au sens figuré, parce que, pour que sa femme et lui puissent avoir cet enfant qu’ils attendaient tant, qui égaierait cette vie minable, ils ont dû passer par une insémination artificielle, et que pour financer cette coûteuse opération, Sully s’est lancé dans une entreprise aussi illégale que stupide. Drôle d’idée que de cambrioler un dangereux gangster ! Surtout quand on est totalement novice en la matière et que l’on perd son sang-froid au moindre imprévu… Remarquez, il est toujours temps d’apprendre, mais ici, les profs ne sont pas franchement des tendres, et le prix à payer pour la leçon risque d’être élevé…
Il y a enfin celle de Jasper, un gentil vieillard qui possède deux qualités essentielles pour les parrains de la mafia : il est sourd-muet et, en bon assistant-boucher, il manie le hachoir à viandes comme pas deux. Contraint et forcé, il est donc chargé de faire disparaître les cadavres que laissent derrière eux les truands. Chaque soir, il joue aux courses en espérant gagner le pactole qui lui permettrait d’échapper à cette triste condition. Un soir, la chance lui sourit, mais il se rend compte qu’il ne sait pas vraiment quoi faire de cette petite fortune. Alors il décide de l’employer à régler quelques comptes avec ceux qui l’ont forcé à corrompre son âme…
Des gangsters bavards et en proie à des problèmes existentiels, des personnages englués dans des existences sordides, mais essayant vaille que vaille de survivre en milieu hostile, des tueurs professionnels et des braqueurs amateurs, tous réunis dans un récit-puzzle à la narration fragmentée, où certaines séquences doivent être vues sous différents angles pour prendre tout leur sens… Ca vous rappelle quelque chose ? Pulp fiction peut-être ?
Hé oui, on ressent nettement l’influence du chef d’œuvre de Quentin Tarantino dans la construction de ce petit polar et dans sa tonalité générale, entre comédie parodique, étude de mœurs et tragédie. Maintenant, James DeMonaco sait qu’il ne possède pas le génie de Tarantino et ne prétend certainement pas se hisser au niveau de la palme d’or 1994. Le jeune cinéaste se contente de livrer une œuvre toute simple malgré sa construction alambiquée, privilégiant la psychologie des personnages plutôt que l’action spectaculaire.
Il soigne également l’ambiance générale de son film, utilisant à merveille les spécificités de son décor. Il faut préciser que Staten island est un quartier de New York coupé du cœur de la cité, puisqu’il s’agit d’une île. Et une île un peu spéciale puisqu’elle sert à la fois de poubelle – la décharge de Fresh kills recueillant les ordures venant de toute la ville – et qu’elle abrite une importante communauté de parrains de la mafia… Les habitants de ce « petit New York », (comme l’indique un titre français pas si idiot, pour une fois) nourrissent un certain sentiment d’infériorité et une certaine jalousie à l’encontre de Manhattan et de ses immenses gratte-ciel, qu’ils peuvent voir sur l’autre rive.
C’est probablement ce sentiment d’infériorité qui pousse les personnages à rêver de grandeur, de richesse ou d’une vie meilleure, tout simplement. Les protagonistes sont des êtres pathétiques, au bout du rouleau, prêts à tout pour s’extirper des vies médiocres dans lesquelles ils se sont enfermés, y compris à sombrer dans un tourbillon de violence et de mort. Car il ne faut pas s’y tromper, malgré son entame assez légère et parodique, Little New York est un vrai film noir, sombre et désespéré, qui possède suffisamment de qualités pour satisfaire les amateurs du genre.
Le réalisateur peut notamment s’appuyer sur un casting brillant. Vincent D’Onofrio, trop rare sur grand écran, signe encore une performance remarquable dans le rôle du mafieux mégalomane, obsédé par la gloire. Il en fait une figure complexe, à la fois tueur sadique, impitoyable, et grand gamin entretenant un rapport fusionnel avec sa « mamma ». Ethan Hawke est également très bien dans le rôle de Sully, ce looser magnifique qui décide un beau jour de basculer du côté obscur, juste pour que cette vie de misère ne soit pas totalement vaine, et que son fils ait une chance de ne pas lui ressembler. Après sa prestation dans 7h58 ce samedi-là, il prouve qu’il est très à l’aise dans ces rôles d’antihéros de film noir. Enfin, Seymour Cassel, acteur fétiche de John Cassavetes, nous gratifie une fois de plus d’une magnifique performance, toute en retenue et en sensibilité, dans un rôle plus difficile qu’il n’y paraît.
Grâce à ce beau trio d’acteurs, Little New York dépasse son statut de modeste série B pour s’inscrire parmi les réussites du genre. Une réussite mineure, certes, et sous influence, d’accord, mais une bonne surprise quand même… Toujours mieux que ces ennuyeux thrillers pleins de bruit et de fureur qu’Hollywood produit à la pelle chaque année. Reste à James DeMonaco à trouver son propre style, à s’affranchir de toutes ces références qui le rassurent, mais qui lui font également de l’ombre...
Note :