J’ai lu une chambre en Hollande de Pierre Bergounioux
à l’occasion d’un voyage récent à Amsterdam. C’est le premier livre que je lis
de cet auteur qui a publié plus de quarante ouvrages depuis 1984. Il nous
propose une épopéehistorique de la
France en 57 pages, laquelle trouve une issue en Descartes qui publia pour la
première fois de la philosophie en langue française avec Le discours de la méthode
(1637). À la fin de ce livre qui n’est autre qu’une préface à un livre plus
vaste, Le monde, qu’il publiera en extrait sous le titre la Dioptrique, les
Météores, la Géométrie, Descartes écrit : « Et si j’écris en français
qui est la langue de mon pays, plutôt qu’en latin, qui est celle de mes
précepteurs, c’est à cause que j’espère que ceux qui ne se servent que de leur
raison naturelle toute pure, jugeront mieux de mes opinions, que ceux qui ne
croient qu’aux livres anciens », quant aux autres qui méprisent le
français, il espère qu’ils ne le liront pas. Si j’ai cité Descartes, avant de
citer Bergounioux, c’est parce qu’une chambre en Hollande est un livre sur
l’exil et sur la peur. C’est à Amsterdam que le philosophe a fui pour être en
sécurité et c’est là qu’il affronte les forces de répressions qui l’empêchent
de penser librement dans son pays. Avec Descartes, je ne peux pas m’empêcher de
penser que Bergounioux essaye de nous montrer que l’exil sera peut-être une
solutionprochaine pour les écrivains
qui ne pourront plus écrire, ni vivre comme ils le désirent dans une France
dévorée de l’intérieur par l’affairisme, le cynisme et le fascisme médiatique.
Ce qui s’appelait au XVII ème siècle : l’absolutisme naissant. Il n’y a
pas d’épopées objectives. Toutes les épopées depuis Brecht sont critiques,
démystificatrices et contestataires. Plus que l’épopée du peuple français qui
débute ici avec la fondation de la Gaule, il s’agit de l’épopée de la
littérature dont Bergounioux dit que la propagation de l’écrit en Gaule, donc
son entrée dans l’histoire est contemporaine de l’adoption du droit romain qui
impose son diktat sur la culture celtique. Une littérature qui trouve dans
l’action, via Descartes, sa vérité : « L’important, ce n’est pas ce
qu’on raconte. C’est ce qu’on fait (p 55) ». Ce qui ne signifie pas qu’il
y a d’un côté les artistes et de l’autre les non artistes. Bergounioux veut
dire qu’un écrivain agit en racontant une histoire et que c’est cette action
qui est première sur la narration, même si à la fin, certains n’en retiennent
que les fables : « Il n’avait pas le temps et il en était
conscient » continue Bergounioux « Mais comment réprimer le regret de
le voir si concis sur l’effet que tant d’hommes rencontrés, d’événements, de
pays firent sur son âme ingénue, intrépide, en ces années d’apprentissage qui
le voient chevauchant en compagnie des reîtres, recherchant la société des
savants, puis derechef, marchant avec les reîtres. Quel sujet d’étonnement pour
nous mais pas pour lui aussi, sans doute, que le commerce alterné d’assassins
professionnels, de brutes adonnées, entre les combats, au vin, à la débauche,
et des rares esprits éclairés qu’on est désormais assuré de trouver, pour peu
qu’on les cherche, dans les localités européennes… » (p 36). A la fin,
comment ne pas voir aussi que Bergounioux parle aussi de l’Europe du début du
XXI è siècle ? Si nous ne manquons pas de tragédie, ni de guerres, il faut
aussi comprendre ce livre comme un processus de fabrication d’un héros ou
antihéros, soit qu’on considère Descartes comme un modèle ou un excitant. Quoi
qu’il en soit, l’écrivain doit être un stoïcien et quelqu’un d’engagé dans
l’histoire, la sienne et celle des sociétés.
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