J’évoque ce phénomène alors que je me trouve dans un Salon du livre. Pourquoi ? Parce que les cercles du diable existent aujourd’hui à notre insu de notre plein gré comme le disait si bien un vélocipédiste. Chacun d’entre nous vit ainsi coincé dans un cercle qui a été dessiné et un diable nous empêche d’en sortir. Un diable qui n’a point de cornes ni de queue fourchue mais très efficace, il s’appelle MEDIA. Il définit les normes, les modes, les lieux du pouvoir, les espaces réservés, les IN et les OUT des cercles fermés du succès, l’enfermement dans l’échec. En matière de création, qu’elle soit théâtrale, plastique, littéraire, musicale, il faut appartenir à la poignée d’individus désignés par la fourche de MEDIA. Comment être élu, choisi, enfourché ? Debord dans « La société du spectacle » qui a des accents prophétiques le dénonce. Par l’exaltation des scandales, la provocation, la présence permanente à la télévision, à la radio. Et par les réseaux d’influence. Il s’agit avant tout de disposer d’un carnet d’adresses.
Les piles de livre s’entassent sur les tables. Comment faire son choix ? Les files d’acheteurs se pressent du côté des noms connus, s’approcher d’une étoile, toucher ce qui n’était que virtuel, vérifier si le réel ressemble à l’image sans le maquillage, et recevoir la récompense d’une dédicace.
S’agirait-il alors moins d’écrire que d’être photogénique ? Nietzsche me susurre à l’oreille en rigolant: te voilà en plein ressentiment, l’énergie des médiocres, tu crèves de jalousie, tu voudrais que le diable t’ait choisi.
Il a peut-être raison parce qu’on écrit dans la mesure où personne ne vous écoute.
À bientôt.
Maurice Lévêque
Photos : © Le Cahier, film projeté à Orange en juin 2009 lors d'une semaine consacrée aux ONG