Yangon, Myanmar (Birmanie)
Un tampon de plus dans le passeport, on nous accueille avec un sourire sincère. L’immigration et les douanes nous souhaitent la bienvenue. Au carrousel, la dizaine de touristes fraîchement arrivés de Thaïlande succombent à la gentillesse d’un jeune homme nous proposant un transport gratuit jusqu’à son hôtel.
Les hôtes nous offrent à tous un bon déjeuner gratuitement, bien que seul celui du lendemain soit inclus dans le prix de la chambre.
Ça fait du bien.
Nous n’avions pas senti un tel accueil à l’ambassade à Bangkok où derrière la lourde porte d’acier, les gens étaient bêtes et suspicieux, la salle d’attente avait des airs de chambre d’aréna et les toilettes ne flushaient pas. Et j’avais une grosse envie.
Celles de l’hôtel, en revanche, fonctionnent plutôt bien et la douche chaude est appréciée. L’ambiance pluvieuse nous endort et ce n’est qu’à la noirceur que nous entamons officiellement notre voyage dans le temps...
Les premiers pas dans les rues crasseuses et inondées de la plus grande ville du pays sont déroutants. Les monuments de l’ancienne période coloniale sont défraîchis et envahis par la moisissure. La mousse nous indique le Nord pour trouver notre chemin à travers les pagodes et les appartements grillagés. Les voitures sont bruyantes et les bus bondés d’hommes en jupe. Ils portent le Longyi, un grand bout du tissu obligatoirement à carreaux, parce que c’est comme ça, qui s’enfile comme un paréo en faisant un motton au bas-ventre. L’un d’eux est accrochés derrière le camion sur les tuyaux rouillés et crie la destination du véhicule entre deux crachats rouge sang. Il nous offre un grand sourire aux dents bourgognes en nous envoyant la main, à nous, les deux bizarres qui ont donné leur parapluie à la femme de ménage du dernier hôtel et qui aujourd’hui en auraient grandement besoin.
Splash, je mets le pied dans cette flaque d’eau d’égouts qui déborde en voulant éviter un trou dans le trottoir. À peine le temps de le retirer qu’une dame me regarde et m’offre de beaux yeux bridés d’humour et de compassion.
Notre quête du je ne sais quoi continue sous l’averse rafraîchissante. On avance sous la faible lueur des wannabe-lampadaires qui se trouvent à être de longs tubes néons. Un plat de nouilles au poulet pas comme les autres nous initient à la gastronomie locale. « Chicken » et « noodles » sont de bon alliés faces aux menus incompréhensibles et à la barrière de la langue.
Très peu de gens parlent anglais. De temps en temps, un sympathique « hello » ou plus loin, un petit « where are you from? » sans arrière pensée. Canada, « good country! », oui, pas si mal?
Le dépaysement est anormal dans l’agglomération la plus moderne et cosmopolite du pays, si l’on peut dire ainsi.
« Donc là, on est dans la capitale ? », me dit Nad d’une voie taquine.
« J’imagine? »
J’ignore encore si c’est officiellement la capitale, mais si tel est le cas, elle est sans guichet automatique, sans Mc Donald, sans homme en complet, sans parcomètre.
De toute façon, le pays est dépourvu de pièce de monnaie. Certains achats se font en dollars états-uniens, tandis que les échanges de tous les jours sont normalement effectués en kiats. La plus grosse coupure est un billet de 1000, qui équivaut grossièrement à un dollar. Imaginez la liasse après avoir changer 300 dollars qui doivent être impeccables, pas un pli, pas un coin usé, même si l’argent local que l’on reçoit est en état de décomposition avancée. Enfin, ce n’est pas grave. Quitte à la réparer avec du « tape » électrique, la vie continue, jusqu’à 22 heures ce soir et recommencera une heure avant l’aube, demain.
Une éclaircie après le déjeuner nous motive sauter dans le vieux bus de ville qui mène à la plus grande pagode de la ville. L’homme chargé de récolter l’argent nous fait signe de descendre à l’instant où une pluie d’abat commence. Un Birman nous fait alors signe de venir s’abriter sous les quelques tôles qui forment le toit de son modeste commerce. Il vend des petits paquets de noix coupées enroulées dans une feuille verte avec de la sauce blanche et des épices volantes non identifiées (EVNI). Nous apprendrons plus tard que la noix de Bétel, chiquée par les hommes, donne supposément de l’énergie et est à l’origine des dents tachées de la population masculine et des crachats rouges partout dans la ville.
Il pleut trop pour visiter la pagode, on reprend le bus en sens inverse et retournons à notre sympathique hôtel.
Demain, nous partirons voir ailleurs, 2 jours suffisent pour l’instant, parce que Yangon, c’est spécial, comme le goût de la noix de Bétel. Spécial comme dans ça goûte mauvais ou la nouvelle blonde de ton ami est moche.
-Will