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Wrath, le blog folklo d'une écrivaine ratée

Par Schlabaya
Si vous ne connaissez pas le blog de Wrath, je vous conseille d'aller y faire un tour, histoire de ricaner un bon coup. J'espère qu'elle me sera reconnaissante de lui faire un peu de publicité, puisque l'une de ses grandes joies dans l'existence est de consulter les statistiques d'audience de son blog. Mais il faut avouer qu'elle n'a pas besoin d'aide pour se faire connaître, son blog attire un grand nombre de visiteurs qui y laissent beaucoup de commentaires (pas toujours bien intentionnés, certes).
Sa recette : écrire des articles provocateurs, avec tout un tas de ragots, et de jugements à l'emporte-pièce assortis de généralités et de grosses vérités. Du coup, les lecteurs viennent  se payer sa tête, l'incendier ou au contraire lui  tresser des couronnes; les gens  dont elle médit (écrivains à succès, éditeurs) réagissent en direct; on en parle sur la Toile; et encore des visites, et encore des commentaires ! Soyons honnête, il y a aussi du vrai dans ses propos (hélas...)
Son fond de commerce : le dénigrement systématique du milieu éditorial français, gangrené par le copinage et l'esprit commercial. Wrath dit du mal des maisons d'éditions,  de toutes les maisons d'édition, grandes et petites, parce que dans le fond, les éditeurs sont tous de méchants menteurs, profiteurs et copineurs, et qu'ils se foutent pas mal de la littérature. Tous. Sans exception. La preuve : aucun n'a voulu publier son roman au titre prometteur : "Crevez tous, useless cunts". Alors, pour se venger, Wrath a décidé d'écrire, noir sur blog, tout le mal qu'elle pense d'eux. Les manuscrits envoyés par la Poste, ils ne les lisent jamais. Ils les jettent à la poubelle sans même ouvrir les enveloppes. Sauf si l'expéditeur est un copain, ou bien s'il est pistonné. Si on n'est pas déjà connu, si on est provincial, si on n'a pas de relations dans le milieu germanopratin, c'est un peu mort, à moins de savoir lécher les bottes... ou autre chose. Les auteurs qui affirment avoir été publiés en envoyant leurs manuscrits par la Poste sont des menteurs : ils étaient déjà dans le milieu, ou bien ils ont copiné, voire couché avec le gratin éditorialo-journalistique.
Ses têtes de Turcs : principalement Gilles Cohen-Solal des éditions Héloïse d'Ormesson et Léo Scheer des éditions du même nom. Ce dernier la menace actuellement d'un procès en diffamation... Ces deux éditeurs s'en prennent plein la gueule à longueur de billets, à croire qu'ils représentent Saint-Germain des Prés à eux deux ! Elle s'attaque également à certains écrivains, parfois avec raison : Chloé Delaume figure parmi ses bêtes noires, ainsi que Yann Moix.
Son attitude : celle du chevalier blanc, sans peur et sans reproche, qui, panache au vent, bataille et guerroie inlassablement contre l'injustice qui règne en ce bas monde dans le milieu éditorial.
Son but dans la vie : se faire publier. C'est son ambition ultime, indépendamment du contenu et de la qualité de l'oeuvre accomplie. Pour se faire, elle a noirci des pages, envoyé son manuscrit à toutes les maisons de France et de Navarre, participé à des soirées littéraires à Saint-Germain... Comme rien de tout cela n'a marché, elle s'est fait un nom sur la Toile, en dénigrant les pratiques honteuses de ce milieu et en cassant du sucre sur ceux qui, eux, sont parvenus à se faire publier, et qui entretiennent cette odieuse conspiration destinée à tenir les wannabes (ou aspirants-écrivains) en échec.
Bien sûr, ce que dénonce Wrath n'est pas entièrement faux, bien au contraire. N'importe quel quidam qui s'intéresse un tant soit peu à l'actualité littéraire observe que les mêmes noms reviennent toujours en tête de gondole, que tout ce petit monde, les auteurs de best-sellers, les éditeurs et les prescripteurs pratiquent un copinage éhonté (ils ne s'en cachent plus) et que l'attribution des principaux prix littéraires est une foire aux vanités.
Mais il est totalement faux de dire que les éditeurs se désintéressent de la qualité littéraire et que seules comptent les relations ou les mensurations. Certaines maisons d'édition ne lisent pas les manuscrits envoyés par la Poste (c'est apparemment le cas de Fayard d'après le "Nouvel Obs", et il doit bien y en avoir d'autres), d'autres au contraire sont ouvertes aux nouveaux talents. Beaucoup d'écrivains (pas tous, bien sûr) affirment avoir été publiés sans piston. Georges Flipo, dont c'est le cas, a commis quelques articles intéressants sur le sujet. Il paraît évident que, pour des raisons bassement matérielles, les éditeurs soient obligés de publier des livres à vocation commerciale, ce qui leur permet aussi (dans le meilleur des cas, certes) de donner leur chance à des ouvrages plus ambitieux.
Ce qui me déplaît dans ce blog, c'est son parti-pris de mauvais esprit systématique, et les attaques personnelles très ciblées. Il est normal de citer les personnes visées lorsqu'on parle de la corruption d'un milieu donné, sous peine de parler dans le vide, mais de là à en faire des têtes de Turcs... Par ailleurs, on sent que cette dénonciation est davantage motivée par un dépit personnel que par un réel sentiment d'injustice. Wrath se croit née pour révolutionner la littérature, elle lit Musso et Lévy, et suit des cours de creative writing à Londres (les ateliers d'écriture à la française sont vraiment trop médiocres, dit-elle). Elle envisage même d'écrire directement en langue anglaise pour atteindre plus directement son coeur de cible, le public anglo-saxon. Moi qui croyais naïvement qu'un écrivain dans l'âme aimait les mots, qu'il habitait sa langue... Bien sûr, de grands écrivains bilingues comme Nabokov ont écrit dans une langue autre que leur langue maternelle, mais enfin le cas est assez rare, et on peut penser que leur motivation n'était pas mercantile.
À ceux qui pourraient croire que cet article a pour but de descendre gratuitement une blogueuse, je précise que ce n'est pas le cas. J'ai appris ses récents ennuis avec l'éditeur Léo Scheer peu après avoir commencé à rédiger ce billet, et, sincèrement, je ne m'en réjouis pas. Quels que soient ses torts, je pense qu'elle a beaucoup à y perdre, et les personnes qui lui ont conseillé de censurer ses propos litigieux ont tout à fait raison. Je doute qu'elle le fasse, mais cela la regarde. Par ailleurs, même si je ne goûte ni ses opinions, ni sa prose (quelques nouvelles sont disponibles à la lecture sur son blog), je n'ai rien contre elle en tant que personne.
L'intérêt de ce blog : le côté involontairement drôle de l'auteur, la férocité des commentaires de ses visiteurs (chaque jour, une polémique différente !) mais aussi le pavé dans la mare qu'il représente. Il n'est pas nécessairement courageux ou estimable de "dire tout fort ce que tout le monde pense tout bas" selon l'expression consacrée, mais cela a le mérite de susciter le débat. Et il y a beaucoup à dire sur le milieu germanopratin, son snobisme, son narcissisme et son élitisme dans le plus mauvais sans du terme...

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