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Depuis notre retour de Mtl, j’ai passé beaucoup de temps au lit à suer ou à geler, c’est selon. Mon corps complet s’était meublé de petits boutons. On a pensé qu’un moustique m’avait transmis la dengue (les jeux de mots avec dingue ont tous été faits, perte de temps que d’essayer) mais les tests de laboratoire ont invalidé cette hypothèse. Je ne sais donc pas trop ce qui m’a cloué dans les bras de Morphée aussi longtemps. L’essentiel est que les choses aillent mieux. Je parle pour moi bien évidement : Pour Ayiti, il faudrait repasser. Les dernières semaines ont toutefois apporté quelques nouvelles réjouissantes : Ayiti n’est plus le pays le plus pauvre des Amériques (le Nicaragua vivrait très mal la crise mondiale actuelle) et les pays riches (dont le Canada envers qui Ayiti avait une grosse dette de 2.3 millions de $) ont annoncé des annulations de dettes. Quand tu n’es plus le plus pauvre de la classe et que le prof te remets une partie de tes crayons et ta gomme, il me semble que l’avenir se porte moins mal ! Ce n’est pas l’opinion de plusieurs. En fait, je croise souvent des haïtiens sur le bord de la résignation de voir leur pays prendre du mieux. Certains ont ouvertement perdu tout espoir que les choses s’améliorent, d’autres réussissent à maintenir vivante une petite flamme. L’électricité étant ce qu’elle est ici, vaut mieux penser la vie en termes de flamme. En fait, ce qui frappe dans le discours de ces personnes est le fait qu’ils voient leur pays péricliter sans fin depuis des décennies, depuis le départ de Duvalier. Je n’ai pas écris ‘à cause’ du départ de Duvalier, mais depuis. L’éducation, les services de santé, les différents services publics, la propreté, l’urbanisme, … la descente serait généralisée. Comme si ce que le pays avait pu ériger comme fierté au cours de son histoire (tumultueuse), s’effritait sans que la situation ne soit redressable. Un collègue avec qui je discutais hier me disait que la première présidence d’Aristide a probablement été la plus grande déconvenue d’Ayiti. Jamais un président – sauf pour les fantocheries démocratiques de certains dictateurs – n’avait réussi à trouver l’appui d’une proportion aussi importante de la population et des différents secteurs de la société. L’appui était presque unanime. Un capital politique qui lui aurait permis de transformer réellement la société haïtienne. On sait ce qui s’est passé avec le bonhomme : quelques familles riches et l’armé (appuyée par ses commanditaires internationaux) ne voyaient pas d’un bon œil son discours un peu trop ‘lutte des classes’ et paf, le bordel est relancé. Ce qui me surprend dans cette presque résignation, est l’ambiance générale du pays marqué par une très grande fierté. Les haïtiens m’apparaissent très fiers de leur pays, toujours prêt à en parler pendant des heures et à le défendre. Faut voir les ayisien le jour du drapeau, quand la radio entonne l’hymne national, …. ‘Plus assez fiers justement’ m’a répondu mon collègue que la flamme continue de brûler.