Zofia Rostad au Musée de l’impression sur étoffes de Mulhouse
vue par
Elisabeth Dufresne, professeur d’Arts Plastiques
On évalue le succès d’un chanteur au nombre de disques vendus, mais qui peut dire combien de personnes en France ou en Europe dorment dans des draps créés par Sofia Rostad ? Il faudrait pourtant faire le calcul et constater alors la vraie popularité de cette petite dame aux cheveux blancs et lunettes rouge vif venue de Pologne en 1959 pour entrer à l’Ecole des Arts décoratifs de Paris.
Le Musée de l’impression sur étoffes de Mulhouse lui consacre pour la 2e fois une exposition jusqu’au 25 octobre 2009 (la première a eu lieu en 1983). On y voit les gouaches originales « au raccord », méthode qui permet de multiplier les motifs en créant un module de base suffisamment astucieux pour qu’un œil d’amateur ne puisse pas repérer le début ni la fin de ce motif. Ce sont des grands formats 64 x 64 cm.
Sofia Rostad n’utilise pas d’ordinateur pour ses recherches, elle préfère le plaisir de la gouache finement préparée puis appliquée très soigneusement pour obtenir des surfaces lisses et calmes qui peuvent être ensuite brossées avec une teinte contraste. Elle travaille aussi le trait de pinceau comme une calligraphie pour mettre en scène de drôles de chats ou quelques renoncules à longue tige élégante (dessin en noir et blanc). Elle peut faire tout un poème avec un jeu de rayures très simple mais dont les teintes savamment orchestrées font vibrer le tissu et évoquent toutes sortes d’ambiances lointaines.
Pour un même motif, le Musée montre toutes les variations imaginées par Sofia Rostad, de la gamme de couleur à la maquette peinte en grandeur réelle, jusqu’à l’impression sur tissu. On peut alors mieux comprendre le rôle d’un tissu de qualité qui va mettre en valeur le motif au lieu de le ternir.
Pour que les tissus exposés conservent leurs couleurs d’origine, l’éclairage est dosé avec prudence, on traverse le Musée dans une pénombre un peu mélancolique.
Pour aller un peu plus vers le public, qui ne vient pas assez dans ce Musée, il faudrait agiter un peu la scénographie des expositions ; des photos, une interview filmée de Sofia Rostad manquent. Dans le catalogue, elle est présentée dans son atelier,
mais il n'y a qu'une seule photo, alors qu’on aimerait la voir dessiner et peindre, ouvrir les tiroirs et feuilleter les carnets de croquis. On aimerait aussi savoir à quoi ressemblait cette petite dame ronde à cheveux blancs lorsqu’elle étudiait en Pologne. En tant que professeur d’Arts Plastiques, lorsque je visite une exposition avec un groupe d’élèves, j’aime bien décrire la personne qui a créé tout ce qui est exposé, raconter sa jeunesse, comment est née sa vocation. C’est peut-être trop « people », mais pourquoi pas, si cela permet d’intéresser les plus jeunes. Nos media mettent au pinacle des personnes qui n’ont pas toujours grand intérêt, pourquoi ne pas utiliser les mêmes méthodes de communication et rendre hommage avec plus d’enthousiasme à cette femme qui depuis 50 ans embellit nos intérieurs
Elle le vaut bien, non ?!