Julien Tanguy, garde national à Montmartre pendant le siège de Paris et la Commune, suivi de : Vincent van Gogh "reporter d'images"
Par Bernard Vassor
Par Bernard Vassor Le père Tanguy et la Commune. Troisième partie : "La sortie à Asnières le 16 avril 1871" Après la défaite de Sedan, Julien Tanguy fut l'un des premiers (numéro 16 sur le registre d'enrôlement) à s'engager pour la défense de Paris dans la première compagnie du 61° bataillon de la Garde nationale qui était basé au sommet de Montmartre au 6 rue de la Fontenelle, anciennement rue des Rosiers, aujourd'hui rue du Chevalier de la Barre. Il était avec sa femme depuis 1867 concierge de l'Hôtel Demarne au 10 rue Cortot. C'est là qu'il avait établi son atelier dans le fond de sa minuscule loge où il broyait les pigments et mettait en tubes d'étain ses couleurs qu'il allait vendre dans les lieux fréquentés par les impressionnistes. Mais depuis la guerre et le siège de Paris, les peintres avaient disparu des berges de la Seine. Certains s'étaient engagés dans l'armée, d'autres étaient partis en province ou à l'étranger. De son poste en haut de la Butte, il a été aux premières loges pour assister à tous les évènements qui ont marqué l'histoire. De l'envahissement de la place Saint-Pierre par Nadar pour créer la première compagnie de ballons monté, de la création de la première compagnie aéropostale par Duruof qui fit le 23 septembre son premier et dernier voyage sur le "Neptune", le départ de Gambetta sur "l'Armand Barbès", le déclenchement de la Commune le 18 mars 1871 etc... Le 16 avril 1871, le château de Bécon ayant été violemment investi par les forces versaillaises, il fut décidé que les 61°, 132°, 164°, 32° bataillons devraient se rendre à Asnières pour repousser l'ennemi. Les gardes nationaux partirent de Montmartre dans l'après-midi pour arriver le soir, traverser le "pont de bateaux" qui unissait les deux rives. L'ancien pont ayant été détruit par les prussiens, c'était la seule façon de passer la Seine. Les gardes furent cantonnés tant bien que mal dans les maisons des asnièrois. La nuit fut calme, mais le réveil brutal : les canons tonnaient depuis Bécon et l'armée de Mac-Mahon progressait sur la gauche tandis que de la plaine de Gennevilliers d'autres régiments progressaient. Le général fédéré polonais Dombrowsky véritable stratège allait et venait de tous côtés encourager les combattants, se plaçant aux premiers rangs pour donner l'exemple, faisant preuve de calme et de courage. Hélas, la partie était inégale l'armée de Thiers aidé par la neutralité bienveillante des prussiens qui laissaient le passage libre après avoir libéré les prisonniers qui étaient venus grossir les rangs de l'armée régulière. Les bataillons fédérés étaient arrivés à cinq cents mètres de Gennevilliers quand ils furent assaillis par des tirs venant de Bois-Colombes. Les parisiens reçurent une grélée de balles partant de partout à la fois. Pendant plusieurs heures la fusaillerie continua. Puis venus de Gennevilliers, une masse énorme de gendarmes se déploya dans la plaine provoquant un mouvement de recul malgré les efforts des officiers pour enrayer le repli. La retraite se fit sous le tir ennemi. Les fédérés se réfugièrent dans des maisons d'où il furent délogés par l'attaque des Versaillais qui s'emparèrent petit à petit des maisons d'Asnières et se frayaient un chemin à travers les parcs et jardins de la ville. Bientôt le mot d'ordre fut : "il faut repasser la Seine". Mais voila !!! Le pont de bateaux venait d'être coupé par ordre du général Landowski qui avait repassé la Seine un des premiers, laissant des milliers d'hommes à la merci de la mitraille qui canardait tout ce qui bougeait. Des fédérés qui étaient basés du côté de Colombes et de Nanterre vinrent grossir les rangs des fuyards. Les hommes affolés se pressaient sur le quai de la Seine, tournaient en rond affolés en poussant des cris de frayeur de terreur et de colère avant de tomber sous les balles de plomb pour certains. Quelques barques ayant servit au "pont" étaient détachées, mais les quelques malheureux qui embarquaient subissaient le feu nourri des chassepots. Certains essayaient de traverser sur le tablier du pont à claire-voie, marcher sur les poutrelles d'acier les bras en croix. Ceux qui ne tombaient pas d'eux-même saisis par le vertige étaient fauchés par la mitraille. D'autres réussirent à s'enfuir en partant à la nage, ce qui a certainement été le cas de Julien Tanguy. Se laissant porter par le courant (qui était assez fort en cette saison) ils purent atteindre "l'Ile des Ravageurs", et de là rejoindre Clichy, puis Montmartre. Tous les combattants qui n'avaient pas été tués furent fait prisonnier, les Versaillais tenaient la rive gauche.... Quatrième partie : Vincent van Gogh en mission commandée à Asnières, sur les pas de Julien Tanguy, devenu depuis le père Tanguy Croquis de Vincent du café "La Sirène" Le tableau de Vincent en 1887. Comme vous pouvez le constater sur les images précédentes, le pont de bateaux conduisait à l'endroit précis où se trouvait une guinguette appelée "La Maison Cassegrain" (archives inédites) devenue par la suite "La Sirène". Comment ne pas envisager les conversations échangées par Vincent et son marchand de couleurs, lorsque de retour (à pieds) d'Asnières il montrait ses toiles au père Tanguy ? Celui-ci devait certainement revivre ces heures d'angoisse et les évoquer devant Vincent qui éprouvait une certaine admiration pour le "brave homme de la rue Clauzel". Emplacement actuel du café "La Sirène". A cet endroit, en raison des nombreuses innondations qui année dévastaient une grande partie d'Asnières, les berges de la Seine avaient été surélevées de près de trois mètres, ce qui fait que les rez-de-chaussées devenaient les sous-sols des bâtisses en bord du fleuve. ................... Trente sous : ainsi surnommé car c'était le montant de la solde jounalière d'un garde national A SUIVRE......