Lu sur lenouvelobs.com – Arnaud Montebourg: « Que les murs tombent »

Publié le 19 août 2009 par Lhebdopolitique

Michel Ciment et Jean-Philippe Domecq prennent la défense du PS, dans le dernier numéro de l’Obs. C’est charmant, même si c’est laborieux. Ils montent dans le train de la polémique estivale ouverte par Bernard-Henry Lévy. Au passage, ils me mettent en cause personnellement pour avoir comparé les mœurs de mon parti à celles qui étaient en vigueur dans l’ex-RDA. C’est pour moi l’occasion de leur répondre avec un avantage que je juge -hélas- décisif : je sais malheureusement de quoi je parle. L’immobilisme et le verrouillage, voilà plus de dix ans que je les rencontre au PS, comme député et comme responsable politique. Le pire, c’est que depuis le congrès de Reims, je suis officiellement en charge de sa rénovation et de sa transformation ; pourtant je crains que cette ultime tentative pour changer en profondeur se solde par un nouvel échec.
Chers procureurs dont je ne connais pas les états de service, j’ai tout essayé. Par la face sud, par la face nord, avec les uns, avec les autres mais toujours au service des mêmes idées. Vous parlez de « virages ». Au fond, vous me traitez de vulgaire opportuniste. Vous reprenez au mot prêt les accusations de ces éléphants fatigués qui n’ont jamais accepté qu’on ose bousculer leurs habitudes et leurs intérêts. Ces dirigeants sont les héritiers trop gâtés des années de pouvoir. Regardez où ils nous ont menés et avec quelle impunité. J’ai beaucoup de défauts. Mais pas celui là!
Etait-il opportuniste de me battre, dés 1998, pour imposer une réforme des tribunaux de commerce en diminuant le pouvoirs ahurissants de ces liquidateurs qui, sur fond de corruption et d’incompétence, s’enrichissent aux dépends des entreprises et de leurs salariés? Un Premier ministre (socialiste) n’a pas cru à ce combat-là. Je continue à penser qu’il a eu tort.
Etait-il opportuniste de mener, à la même époque, avec Vincent Peillon, un combat frontal contre les paradis fiscaux. Le même Premier ministre (socialiste) a cru que nous allions trop vite. A la lumière de la crise actuelle, je continue à penser qu’il aurait fallu aller plus fort et plus loin que nous le préconisions alors.

Etait-il opportuniste de plaider sans relâche pour une Sixième République qui remette notre démocratie à l’endroit – bref dans le sens des citoyens – plutôt que de se livrer à des expérimentations institutionnelles hasardeuses qui ont abouti aux désastres que nous connaissons tous? Il y a une même continuité entre le drame du 21 avril 2002 et l’hyper-présidence sarkozyste. Je constate qu’aujourd’hui, les dirigeants socialistes sont muets sur cette question essentielle. J’avais aimé que Ségolène Royal, durant sa campagne présidentielle, la reprenne à son compte et c’est d’ailleurs pour cela que je lui avais apporté mon appui, lors de sa désignation par les militants socialistes. Aujourd’hui, je suis au regret de constater que seul François Bayrou a repris le flambeau.
Chers procureurs, ne devenez pas les amis de l’ex-RDA, et regardez plutôt le bilan d’un parti qui s’est enfoncé dans le conservatisme le plus trouillard. Le Nouveau PS que j’ai fondé et dont j’avais rêvé est une suite d’échecs dont je ne tire aucune gloire. En politique, il ne suffit pas d’avoir raison tout seul. Le courant que j’avais fondé -le NPS, justement!- a été détruit par l’appareil parce qu’il constituait une entreprise de rénovation bien gênante. Vous reconnaîtrez avec moi, qu’il y a de quoi désespérer du PS et figurez vous, qu’au milieu de tant d’autres, j’en suis arrivé là.
Aujourd’hui, le combat que je mène en faveur de primaires populaires ouvertes à l’ensemble des citoyens de gauche est une ultime tentative pour associer la population aux choix de la gauche dans le jeu délétère de la présidentielle, version Cinquième République et de régler du même coup, cette question du leadership qui perdure depuis la retraite de Lionel Jospin et qui est en train de couler définitivement le PS. Avec les mêmes méthodes et les mêmes arguments -ceux de l’ex-RDA- on cherche à étouffer cette tentative de rénovation. Or, je le dis tout net, je n’irai pas plus loin. S’il devait échouer, ce combat serait pour moi le dernier, au sein d’un PS qui telle la vieille SFIO ne mériterait plus qu’on l’aide à survivre. Il y a dans ce parti trop de violence, trop de blocages, trop de poussières sous les tapis, trop de petits calculs pour que le militant que je suis, fidèle à ses idées et fier de ses engagements, ne tente pas son dernier combat. J’aurais préféré pouvoir agir différemment. Pour réformer le PS, j’aurais aimé pouvoir agir en réformiste. Mais le temps file. La société -et nos adversaires- bougent trop vite pour que nous nous payions le luxe de dix nouvelles années de surplace. Que les murs tombent!

(Arnaud Montebourg, Secrétaire national du PS, député et président du conseil général de Saône et Loire)

Arnaud Montebourg est l’invité des forums de nouvelobs.com le 24 août de 19h à 20h.