Rimbus, un estimé confrère vigilant, rapportait il y a quelques jours une nouvelle information, dans l'affaire du Karachigate, dévoilée par le magazine Jeune Afrique. Ce dernier a publié le croquis réalisé par les enquêteurs sur l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi. D'après le croquis, le véhicule kamikaze est étrangement éloigné de l'autocar des ingénieurs français.
Voici, pour mémoire, les éléments connus de cette affaire :
1. En septembre 1994, la France vendait au Pakistan trois sous-marins Agosta 90B. Edouard Balladur est premier ministre. La Direction des Constructions Navales (DCN) s'occupe du contrat.
2. Ces sous-marins ont été vendus "à perte": en octobre 2005, la Cour de discipline budgétaire et financière révèle que la DCN savait qu'elle perdrait de l'argent sur l'opération, entre 43 et 99 millions d'euros.
3. Les ventes d'armes s'accompagnent généralement du versement de commissions occultes. Celle-ci n'a pas échappé à la règle.
4. D'après l'ancien directeur financier de la DCN, Gérard-Philippe Menayas, Edouard Balladur aurait imposé deux intermédiaires à la DCN dans cette vente de sous-marins, dont l'un est "suspecté de longue date par les services secrets français de s'être livré à des activités illégales (blanchiment, trafic de drogue et d'armes...), mais aussi d'entretenir des «relations financières» avec l'ancien premier ministre Edouard Balladur".
5. Ces deux intermédiaires étranger auraient touché 83 millions d'euros.
6. Quelques mois plus tard, en 1995, Edouard Balladur est candidat à l'élection présidentielle en France. Il n'a pas le soutien, y compris financier, du RPR.
7. Jacques Chirac remporte le scrutin. Fin 1995, il demande à son ministre de la Défense d'interrompre le versement des dernières échéances de commissions liées à la vente des sous-marins au Pakistan. Il soupçonne le camp Balladurien de percevoir une fraction des commissions occultes de la vente des sous-marins.
8. Nicolas Sarkozy est au courant des commissions versées.
En 1994, ministre du Budget, il avait donné son accord au versement par la DCN de commissions à des intermédiaires dans le cadre de la vente des 3 sous-marins français au Pakistan. Ensuite, il était directeur de la campagne de Balladur.
9. En mai 2002, un attentat tue 14 personnes à Karachi, dont 11 ingénieurs français travaillant par la DCN. La piste officielle est celle d'Al Qaida.
10. La DCN expose cependant d'autres soupçons à la justice dès septembre 2002: celui d'une revanche pakistanaise contre la France.
11. L'un des premiers juges en charge de l'affaire en 2002, Jean-Louis Bruguière, a depuis cessé son activité pour rejoindre l'UMP de Nicolas Sarkozy.
12. Le croquis de l'attentat et l'essentiel de la contribution de la CIA à l'enquête "ont été annulés de la procédure en avril 2003 à la demande de l'ex-juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière" rapporte Jeune Afrique.
13. Il y a deux mois, la piste de représailles pakistanaise refait surface. Elle est aussitôt à nouveau contestée.
14. Hervé Morin, notre actuel ministre de la Défense, a promis la levée du secret-défense pour ... septembre.
Lire aussi:
- Karachigate: ce que l'on sait, et ce que l'on aimerait savoir (Sarkofrance, 13 juillet 2009)
- Parole contre parole dans l'affaire du Karachigate ? (Sarkofrance, 3 juillet 2009)
- Karachi, ce que Nicolas Sarkozy savait (Sarkofrance, 23 juin 2009)
- Ce que l'on sait de l'affaire Karachi (Sarkofrance, 24 juin 2009)
- Karachi, les curieux oublis de la Justice (Libération, 25 juin 2009)
- Karachi kesako ? (CeeCee, 24 juin 2009)
- Vers l’inéluctable étouffement ? (Olivier Bonnet, 24 juin 2009)
- Karachi Sarkozy (Dedalus, 24 juin 2009)
- Brouillard sur Karachi (Rimbus, 24 juin 2009)
- Ne pas lâcher Karachi (Seb Musset, 23 juin 2009)