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Les bonus de la bonne conscience.

Publié le 19 août 2009 par Cabinetal

billets.jpgJ’oscille entre Twitter, FriendFeed et le blog pour parler des sujets d’actualités. Mais force est de constater que certaines questions se prêtent mal aux limites des 140 caractères. Merci à Rubin de m’avoir poussé dans mes derniers retranchements à propos des bonus versés par les banques. Les Etats nous enfument (comme on dit en Mayenne) – je veux dire tendent un voile de pudeur - en prétendant régir par la loi (sous entendu la morale publique) ces rémunérations exceptionnelles qui blesseraient les consciences. Je trouve cette posture ridicule, risible et démagogue. D’abord pour rappeler que cette question a été traitée par le G 20 et que les règles alors adoptées n’ont pas été appliquées, en premier par les USA, comme d’habitude. Faut-il donc poser de nouvelles règles avec le risque probable qu’elles ne soient pas davantage respectées que les précédentes ? Ensuite, n’est-il pas temps que les Etats aient la loyauté de dire aux Peuples que certains sujets les dépassent ? Qu’il est certes grave d’en arriver à ce constat. Mais que le cacher affecte plus encore la démocratie que laisser croire que l’on peut poser des règles mondiales alors qu’il n’existe aucune instance ayant les pouvoirs pour les faire respecter. Est-il honnête de ne pas éveiller les citoyens du monde sur le fait que l’effacement des frontières n’a été le choix de personne mais le résultat combiné des progrès technologiques et de l’effondrement de systèmes politiques insensés ? Que notre monde transformé soudain en village planétaire n’a toujours pas d’organe de gouvernance mondial qui serait la seule réponse à ces sujets. Mais que les opinions publiques ne sont pas prêtes à accepter ces organes de gouvernance si éloignées d’elles, sauf à redouter une irruption incontrôlable des nationalismes.

Pour en revenir à ces bonus. La finance est mondiale. Le terrain de jeu est mondial. Les traders jouent, gagnent et perdent des sommes colossales. Leur employeur, les banques en sont tellement dépendantes qu’aucun de leur Président ou Directeur Général ne gagne autant que ces traders géniaux quand ils gagnent et véreux quand ils perdent. C’est la loi du genre. Ces acrobates de la finance veulent des rémunérations proportionnelles à leurs gains. Ils les obtiennent car la banque qui s’y refuserait serait vite hors jeu. Inévitablement, la surenchère aboutit à des bonus de plus en plus élevés.

Qu’est ce qui nous blesse aujourd’hui ? Que ces sommes soient versées par des banques qui ont reçu des capitaux d’Etat lors du pic de crise ? Pas sûr. C’est l’idée même de gains inimaginables qui nous choque. Autant je le comprends et suis moi-même parfois éberlué par ces sommes astronomiques, autant je me suis fais à l’idée que depuis que le monde est monde les humains, les territoires, les générations connaissent des écarts de richesse considérables. Il appartient à la politique d’abord nationale, puis continentale et ensuite mondiale, de rationnaliser ces écarts afin que la paix puisse se maintenir entre les plus défavorisés et les plus riches. N’oublions cependant pas que l’accélération de la communication, les progrès de la transparence révèlent des différences qui existaient déjà mais qui n’étaient pas connues. Et qu’il n’est pas avéré, contrairement à tout ce que l’on entend, que la moyenne des revenus, en Europe de l’Ouest, n’a pas progressé au cours de ces 50 dernières années, plus que la richesse mondiale ?

S’agissant des aides d’Etat perçues par les banques, avons-nous bien compris que ce sont les Etats qui se sont précipités pour éviter la faillite en série des établissements financiers ? Nous sommes passés à deux doigts de l’effondrement de tout le système financier du monde et donc du financement de toute l’économie mondiale. Ce qui reste un vrai sujet, ce n’est pas de savoir si les Etats ont eu raison ou tort, ils n’ont pas eu le choix, mais d’en finir avec le principe de l’immortalité des banques. Elles doivent pouvoir naitre, vivre et mourir sans que le système ne tombe avec elles. Alors, celles qui ont reçu des aides doivent-elles s’interdire les bonus ? A l’évidence non, car elles vont perdre leurs traders les plus inspirés et descendront en division inférieure. Comment, dès lors, trancher ce nœud de contradiction entre, d’un côté, des crédits publics perçus et, de l’autre, des rémunérations excessives versées ? Tout simplement en invitant les établissements à rembourser les sommes empruntées ou en transformant ces sommes en actions dont l’Etat deviendra propriétaire. Mais attention, l’Etat actionnaire, surtout dans les banques, en France, cela n’a jamais produit des bénéfices pour les Français.

Au final, il n’y a pas de solutions magiques. Il faut éduquer l’opinion publique aux vrais enjeux. Expliquer pourquoi les Etats s’engagent alors qu’ils sont déjà surendettés. Clarifier le mécanisme des bonus. Les rendre publics afin qu’ils soient connus de tous. La transparence est souvent le seul rempart contre les excès. Puis surtout éviter de nous donner bonne conscience à bon compte en répétant de bonne foi, sans connaitre, des incongruités qui défient la logique économique et parfois le simple bon sens.


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