Léo Ferré, toujours, à en pleurer

Revenant de Saint-Emilion après un bon repas avec une amie, j'ai mis notre vieille cassette pourrie de Léo Ferré et l'émotion a teinté mes yeux de nacre. Je n'avais bu qu'une demi-bouteille de Pomerol, conduite oblige, et j'étais content de mon après-midi. Alors, pourquoi cette émotion avec Léo Ferré parlant de la mélancolie ou chantant Les assis de Rimbaud ? Nostalgie des années soixante à tout jamais révolues ? Sûrement pas ! Je fuis comme la peste toute forme de nostalgie. Je me suis donc intéressé au paysage de vignes au garde à vous sous la chaleur vibrante d'août, aux éclats de pierre prisonniers du bitume, à la carlingue même de ma petite clio et je me suis dit qu'au-delà des voyances de Léo Ferré c'était bien ces morceaux de paysage et de décor mis ensemble qui s'emparaient de mes yeux humides. J'en reviens toujours à la théorie des agencements de Deleuze, à ces agencements pris dans un mouvement, ici la vitesse de la voiture. Je ne sais pas s'ils m'ont,là, révélé un sens caché de la poésie, je ne me passionne guère pour le sens de toute façon, d'autant que je trouve assez vaine la tentation intellectuelle d'en faire une unité isolable. Mais ils m'ont permis de lire autrement mon émotion, de la rendre plus singulière tout en demeurant banale, de la hisser pourquoi pas au rang d'objet littéraire. Alors, encore une fois, merci Léo !