Jonathan Rosenbaum fait partie de ces critiques admirables et admirés. Un de ceux dont Godard lui-même a déjà dit qu'il était le Bazin américain, rien de moins! Pilier du Chicago Reader, il a depuis lancé son propre site
à consulter régulièrement pour avoir ce doux sentiment de s'élever un peu.
Sauf aujourd'hui...
Car voilà qu'aujourd'hui, Rosenbaum se fend d'une charge anti-tarantinienne afin d'expliquer "what I find so deeply offensive as well as profoundly stupid about Inglourious Basterds [sic sic — or maybe I should say, sic, sic, sic]".
L'indignation est à son comble chez le critique d'un certain âge. La faute à Tarantino, son film ennuyeux, qui nie l'Holocauste et qui souffre d'un aveuglement historique autant que d'un goût pour la revanche infantile. Tellement choqué que le digne représentant de ce beau métier ne peut s'empêcher lui non plus de se laisser tenter par une provocation finale au punch tout tarantinien, justement: "As far as I’m concerned, whatever Tarantino’s actual or imagined politics might be, he’s become the cinematic equivalent of Sarah Palin, death-panel fantasies and all."
Que l'on n'aime pas Inglourious Basterds, rien de plus normal. Qu'on en souligne les défauts (longueurs, complaisance, Brad Pitt....), évidemment. Mais qu'on l'attaque ainsi, surtout chez un critique professionnel, dérange. Il y a en effet quelque chose de choquant dans l'attaque de Rosenbaum. D'abord, par son ton et son manque d'arguments: le papier est court, très court et se contente d'aligner les attaques virulentes et personnelles sans réel fondement. Ensuite, par son autoritarisme et son rejet total d'un film qui pourtant appelle le débat: car ce que Rosenbaum voit dans sa paranoïa comme une attaque antisémite (sic, sic et resic!) peut de la même façon être envisagé comme une déclaration d'amour au cinéma absolue, jusque-boutiste, totale à travers laquelle Tarantino ne fait que dire: il n'y a d'autre vérité qui compte que celle du cinéma. Et quand seul le cinéma compte, pourquoi le reste devrait-il être réaliste? Devant son engagement envers son art, devant cet amour, peut-être naïf mais irrésistible du 7e art, devant cette mise en scène absolument brillante, le cinéaste méritait tout de même plus que cette attaque lapidaire?
Depuis quand les films voués au plaisir n'ont-ils pas droit eux aussi à l'analyse?