Après l’exemplaire sauvetage de la nouvelle sainte laïque et religieuse Ingrid Bétancourt, sacrée bienheureuse tant à L’Elysée qu’à Lourdes, voici les cas de plaisanciers abordés par des Somaliens exsangues, d’ « universitaire » arrêtée pour espionnage en Iran, de « touriste » mis au frais en Turquie pour avoir glissé dans sa valise une pierre antique qu’il aurait achetée vingt Euros dans un souk. Et les familles d’en appeler à l’État, de culpabiliser le pays tout entier qui oserait ne pas bouger face à tant de détresse, d’écrire au président de la République trop heureux que lui soit offertes, enfin, des occasions de redorer un blason que de nombreux comportements personnels et choix politiques malheureux ont terni. Et l’État, en la personne de ses ministres, conseillers spécialisés et Président, de se mettre en quatre pour obtenir des libérations, par la force (avec « dégâts collatéraux ») comme en Somalie voilà quelques mois, ou par le chèque comme en Iran hier, comme -peut-être- en Turquie demain ! Et la presse, et l’édition à sensation de se précipiter sur l’évènement, qui pour encenser victime et sauveteurs en espérant vendre facilement davantage de papier ou d’heure d’antenne, qui pour sortir en quelques semaines le livre témoignage écrit par un nègre dont le nom ne figurera même pas sur le rabat de couverture !
Mais, dans cet espace curieux où s’associent les désirs de renforcement du pouvoir politique, la manipulation érigée en principe d’action, la négligence, le besoin farouche de reconnaissance sociale individuelle, voire de vedettariat de quatre sous, qui pense un seul instant que l’ambition personnelle d’une femme, fût-elle parlementaire, la participation volontaire d’une jeune personne à des manifestations étrangères dans un pays où elles sont considérées comme acte de subversion, la sortie du territoire d’un pays par un touriste d’un élément de ses trésors archéologiques, sont assumés… non par l’irresponsable responsable, mais par notre pays, parce que payés par le contribuable de base que vous êtes, que je suis, que nous sommes ?
N’est-il pas facile de s’abandonner à ses passions, qu’elles soient de la navigation de plaisance, du tourisme archéologique, de l’éclosion d’une prétendue démocratie en Amérique du sud, ou de l’étude des cultures orientales, puis d’en faire prendre en charge par la collectivité les conséquences mal évaluées au départ ? N’est-il pas facile de se mettre en situation d’apparente détresse pour, ensuite, en appeler à la compassion générale qui ne manquera pas de faire tirer le chéquier du sac, surtout si elle est relayée par les services de l’État ? N’est-il pas facile, enfin, une fois rançon versée et retour effectué, d’écrire -ou faire écrire- son histoire pour, toujours sur la vague de l’émotion compassionnelle savamment entretenue par quelques marchands de mauvaise soupe, tirer d’un récit plus ou moins authentique des droits d’auteur parfois considérables ?
Pourquoi ces exemples ne mettraient-ils pas, dans des têtes un peu légères mais préoccupées de succès à bon compte, des idées d’ « expéditions » aussi juteuses ? Aller étudier la reproduction des gastéropodes en Afghanistan, par exemple, ou aller chercher des trèfles à quatre feuilles sur la place du marché de Bagdad… puis se faire prendre… puis hurler de détresse, par famille interposée filmée chaque semaine sur les perrons des palais républicains… puis rentrer, accueilli par ministres, fanfares, discours et larmes de crocodile pour, enfin monnayer ses… « souvenirs » !
Bien sûr, parfois, l’affaire tourne mal. Mais, dans ce cas encore, c’est notre État qui est tenu coupable, mis en devoir d’assumer les responsabilités de l’autre, et de payer les pots cassés.
Outre ces conséquences prévisibles de l’inconscience (ou de la perversité) individuelle, on ne peut oublier que ces tristes affaires, au demeurant personnelles, finissent par mettre à mal la diplomatie de notre pays qui se voit, par elles, contraint de négocier avec des négociateurs infréquentables, modifier ses choix stratégiques préalablement arrêtés, au pire (cela s’est vu) violer sous la pression de l’opinion publique des règles internationales reconnues par tous… bref, à faire de notre pays, un État… hors-la-loi !
Le cas est fort différent concernant des enlèvements de diplomates ou de journalistes ! Il s’agit là de véritables actes de gangstérisme politique qui imposent une réponse politique intransigeante. Les personnes en mission d’intérêt public doivent profiter, partout et toujours, des protections les plus fermes et les plus efficaces.
Mais dans tous les autres cas de tourisme qui tourne mal, rien n’impose le déploiement de moyens que seules les familles, les amis des familles, les amis des amis, les associations… ont le devoir de mobiliser !
Le contribuable n’a pas pour obligation de financer les dérapages individuels, quels qu’en soient la nature, l’origine, la cause, les intentions, et le lieu où ils se situent.
Trois cent mille Euros de fonds publics pour une étudiante amatrice de culture orientale et de sensations fortes : trois cent mille Euros de trop !
Combien, dans quelques jours, pour l’homme à la statuette turque ?
Et combien, pour le prochain chercheur de trèfles à quatre feuilles sur la place de Bagdad…
Il serait temps que l’ « humanitaire » et le « devoir d’État » retrouvent la trace de leurs valeurs essentielles, et que chaque citoyen réapprenne à assumer lui-même les conséquences de ses choix de vie ! N’est-il pas ?
Qu’on se le dise !
Pour les amateurs de tourisme productif, voici l'indication de quelques lieux du monde vivement recommandés. L'Etat y prend plaisir à verser des rançons. On y récolte gloire et droits d'auteur ! (source page d'accueil MSN 18 08 09)