Quand le cinéma social britannique rencontre la Nouvelle Vague française…

Publié le 17 août 2009 par Boustoune


Adolescent à problèmes, Tomo fuit les Midlands et son foyer d’accueil pour Londres. A peine arrivé en ville, il se fait tabasser par une bande de voyous qui le dépouillent de son argent et de ses affaires. Sans ressources, sans domicile et sans personne sur qui compter, il erre dans le quartier de Somers Town, jusqu’à ce qu’il rencontre Marek, un garçon de son âge. Celui-ci vit seul avec son père, ouvrier polonais porté sur la boisson, et tente d’échapper à cet univers étouffant en donnant libre cours à sa passion pour la photographie. Très vite, le fantasque et bravache Tomo et le timide et sensible Marek vont sympathiser et tromper l’ennui en traînant ensemble dans le quartier, dans une ville semblant desertée par sa population…
  
Comme le précédent film de Shane Meadows, Somers Town raconte l’errance d’adolescents désoeuvrés et livrés à eux-mêmes. Mais, si This is England s’apparentait à une véritable descente aux enfers pour son personnage principal - déjà joué par l’excellent Thomas Turgoose, qui incarne ici Tomo - ce nouveau film est lui, résolument optimiste et parle d’amour plutôt que de haine.
Il s’agit d’une chronique toute simple, drôle, tendre, et légère, portrait de deux jeunes en train de quitter l’enfance, mais aussi portrait d’un quartier – Somers Town – en pleine mutation.
Le choix de ce quartier n’est pas fortuit. Sa métamorphose est due à la construction du nouveau terminal de l’Eurostar dans la gare de Saint-Pancras, au cœur du quartier. Un lieu que le cinéaste utilise comme un symbole, puisqu’il permet de relier deux rives – métaphore du passage de l’enfance vers l’âge adulte – mais aussi de mettre en contact deux cultures. Comme la rencontre de Tomo l’anglais et Marek l’immigré polonais, ou celle des deux garçons avec Maria, une jolie serveuse française.
 


Le brassage des cultures se retrouve aussi dans la mise en scène de Shane Meadows. Le cinéaste s’appuie évidemment sur ce style dans lequel il excelle, mélange de réalisme quasi-documentaire et d’humour so british, celui là-même qui fait la force des grands cinéastes anglais, de Ken Loach à Mike Leigh en passant par Alan Clarke, autant de références revendiquées par Meadows. Mais il s’inspire aussi beaucoup du cinéma français, notamment celui de la Nouvelle Vague. Les tribulations de ses héros rappellent un peu les 400 coups d’Antoine Doinel, et l’ombre de Truffaut se fait encore plus présente lorsque les deux garçons tombent amoureux de la même fille, leur belle serveuse française. Une configuration qui rappelle bien évidemment Jules & Jim. Le sentiment de liberté qui émane de l’ensemble, le refus du carcan narratif traditionnel (il n’y a pas vraiment d’ «intrigue», juste des petits morceaux d’existence saisis sur le vif) et l’usage d’un noir & blanc tout en délicatesse participe aussi à l’évocation des grands films du cinéma français des années 1960.
Il ne faut pas se fier à son apparente simplicité. Somers Town est un film plus subtil et plus construit qu’il n’y paraît. Seul reproche mineur, que l’on pourrait adresser à ce joli film, sa durée un peu trop courte (1h10). On aurait aimé rester un peu plus longtemps en compagnie de Tomo, Marek et Maria et leurs magnifiques interprètes. Mais on se contentera déjà de ce petit bonheur cinématographique, aussi rafraîchissant, sous la chaleur estivale, qu’un bon verre de thé glacé. Isn’t it ?
Note :