L'Almanach du Père Ubu par Martine

Par Bruno Leclercq


Martine, cette fois sans Papyrus, après avoir fait la promotion d'Ubu Roi (la pièce), puis celle du théâtre des Pantins, se lance dans la vente, à la criée, de l'Almanach du Père Ubu. Décidemment, Alfred Jarry avaient des amis et admirateurs fidèles à La Critique.

Almanach du Père Ubu (1)


Mesdames et Messieurs, je... veuillez vous approcher je vous prie... Mesdames et Messieurs... en érriére les enfants, en érriére, que je vous dis ; toi je te vas flanquer un ramponnot !... 'sieus et dames, de ce châpeau pas plus gros qu'une tête de ciboulot, je vous vas faire sortir un Père Ubu. Père Ubu, tout nu, roi de Swaziland, en Old England, qui s'embarque pour aller à l'Ile du Diabolus déchiffrer le rébus de Dreyfus, attaqué par les caudaphores de Phelixphosfaure, harpies et gypies, il fut mis en charpie ! L'as-tu vu ? Quoi ? Père Ubu. Ah ta bouche baby, ta bouche en coin. Approchez je vous prie, Messieurs et Dames...
Peuple, ne me fais point jaspiner en palabre plus long.
Emplette sans plus l'Almanach du Père Ubu, ce n'est point l'agenda du cossu, ce n'est point le Georges Bans Calendar de cet olibrius de Papyrus et de cette coquine de Martine, ce n'est point le Messager cagneux de Strasbourg et non plus le Volksbote d'Oldenburg, c'est nature en pâture l'Almanach du Père Ubu. C'est pas un louis de Michet, c'est pas une thune d'off, c'est dix ronds de biffin que je le baille. Auditez la complainte de Père Ubu :
Y avait un Père Ubu,
Et ron, ron, ron, petit patagon
Y avait un Père Ubu
Qu'avait t'une corne au... coeur !
(En choeur.)
Qu'avait z'une corne z'au... cou !
Hem ! (Zut, si je continue je vas attraper une esquinancie, ce que les gens ont dur la bourse nickelée). Qui qu'en veux ? Ah la petite mère, me direz-vous, tes nichons sont pas trop gros, mais t'en a un rude de toupet. Toi, je te vas flanquer un ramponnot.
Continue, Marie, tu m'intéresses. Bien, Benoît. C'est ainsi o ahépatiques ou gens de peu de foi, que je vous offre l'article de Paris, article français, aussi réfractaire à l'usure et au service que Monsieurr' Judet du Petit Idiot. Achetez, vous y trouverez une matière concrète et compendieuse, idoine à la dilection de votre jéjunum mental ; de plus, recettes de cuisine pour préparer coca, cacao, racacahout et l'amer. Y a de quoi bibiter et édender. Ouvrage sapientissime approbé par S.S. Mrg. Français Coppée, archevèque in fistulibus de Lapoire-de-Boncrétien et S. E. le cardinale Basile Brunetière, évêque apostolique des deux mappemondes et autres lieux saints que je ne saurais voir, fertiles en truffes et tartuffes ! Honoré d'une souscription de Monsieur le Maire de Eu et de Mossieu le Maire de Dreux et de Montpodex (Lot). Vous y trouverez le tableau des foires les plus courantes, ainsi que remêdes contre trouille, occiputs qui puent, poux de feutre et vascagatgite cornée. Qui le veut, c'est mon dernier. Attendez pas que les flics ils rappliquent. Musique ! Voyons Terrasse.
Martine
(1) A. Jarry, éditeur, 6, rue Ballu, Paris


La Critique, numéro 94, 20 janvier 1899.

Théâtre des Pantins sur Livrenblog : "Vive la France !" Le Théâtre des Pantins censuré.Alfred Jarry et Le Théâtre des Pantins. Franc-Nohain et Claude Terrasse.

Jarry sur Livrenblog : Ubu Roi par Martine et Papyrus. Alfred Jarry : Premières publications.