Gossip a beau fêter cette année ses 10 ans de carrière, les Américains ont l’image d’un groupe relativement jeune sur la scène indé, la faute à une carrière qui a mis du temps à démarrer. Le succès a frappé à leur porte en 2006 avec leur 4ème album, porté par le single Standing in The Way of Control et le charisme XXL de leur chanteuse Beth Ditto. En plus de posséder l’une des voix les plus impressionnantes du moment, l’Américaine s’avère être une redoutable « Beth » de scène. Elle séduit le public par sa lutte contre les différences (obésité, homosexualité, féminisme) et devient en peu de temps une des icônes indé du moment. Désormais signé chez une major, le trio de Portland a fait appel à Rick Rubin, l’un des producteurs les plus courus de la profession, pour asseoir leur renommée avec ce nouvel opus.
Qu’ils semblent loin les débuts punk du trio à l’écoute de ces 11 nouveau titres. “Standing in the Way of Control” avait opéré la transition vers un son plus disco et “Music For Men” poursuit dans ce sillon 80’s qui contentera les fans les plus récents, pour les les plus anciens c’est une autre histoire…. Si les précédents albums avaient tendance à sonner « live », on sent que Rick Rubin a voulu enrober tout ça de syntés et boite à rythmes, et surtout rééquilibrer les forces au sein du trio en mettant plus en avant les travailleurs de l’ombre (Hanna Billie à la batterie et Brace Paine pour les guitares) au détriment de Beth Ditto.
Le single Heavy Cross résume à lui seul le son Gossip à la sauce Rubin avec cette rythmique funky, ces riffs de guitare incisifs, ce synthé discret et la voix soul de la Ditto pour faire monter la sauce, un Standing in the Way of Control bodybuildé en quelque sorte. Même si elle prend un peu moins de place que précédemment, la charismatique chanteuse reste plus que jamais l’atout numéro un du trio. Tant que Beth Ditto fait du Beth Ditto (Dimestore Diamond ; 8th Wonder ; 2012), la formule fonctionne à merveille, mais dès que Rubin essaie de la faire rentrer dans une tenue disco-pop trop étriquée pour elle (Pop Goes The World ; Men in Love ; Love and Let Love), le carrosse soul devient une vilaine citrouille commerciale.
Au final, “Music for Men” pourrait se résumer par le poème de Jean de la Fontaine, « la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ». Dans sa course au succès le trio a ratissé large, trop large, au risque de perdre quelque peu son âme punk en route. Dommage.
Lire la chronique de “Music For Men” sur Playlist Society.