Le musée de Messine est en travaux (depuis longtemps, dit-on), pas encore installé dans la belle construction toute neuve qui lui est destinée; seules quelques oeuvres sont présentées dans l’ancien bâtiment, d’ailleurs plein de charme. Les deux gloires locales sont Antonello et Caravage. Ce dernier, de passage ici entre Malte et Naples, un an avant sa mort, y laissa deux tableaux d’église : le haut en est sombre, quasi impossible à discerner, les scènes (une Adoration des Bergers et une Résurrection de Lazare) sont bien dans sa manière tardive, tragiques et attachants. Voici une trogne tout à fait caractéristique du Caravage et qu’on croit avoir déjà vue ailleurs. Je me souviens d’un long article dans The Guardian où l’auteur racontait ses voyages afin de voir in situ tous les tableaux du Caravage; il y arrivait presque, d’ailleurs, je crois. Il y a pire passe-temps, je devrais peut-être suivre ses traces. Ceux d’ici sont présentés dans une semi obscurité pour “faire ambiance” sans doute, mais heureusement on peut s’en approcher tout près. Dans la même salle, deux tableaux d’un caravagesque local, Mario Minniti, qui fut l’élève et le modèle du maître; d’une autre résurrection, celle du fils de la veuve de Naïm, j’extrais ce beau visage féminin, hélas un peu flou.
Dans les deux tableaux d’ Antonello de Messine présents ici (deux seulement, le Polyptique de Saint Grégoire, et un tout petit panneau ‘double face’, Vierge à l’enfant avec un franciscain d’un côté et Christ en majesté de l’autre, qui fut d’ailleurs contesté au moment de son achat par le Musée), plus que la construction, c’est la douceur des visages qui m’a frappé. Dans le polyptique, l’Enfant Jésus porte un collier de corail rouge contre le mauvais oeil, symptôme et remède très siciliens. Un Christ au pilier, à côté, attribué à un de ses élèves montre une structure de composition très serrée, entre les arches et la colonne, d’où s’échappe le regard du Christ implorant son Père.
Enfin, quelques jolies scènes aperçues ici et là dans ce musée : dans une des vignettes de son tableau sur la vie de Saint Jean Baptiste, Henri Met de Bles nous montre les pèlerins se déshabillant avant de se faire baptiser dans le Jourdain. Au milieu de la solennité religieuse, c’est soudain une scène très ordinaire, avec cet homme contorsionné qui ne parvient pas à de défaire de sa chemise et son compagnon se déchaussant.
Girolamo Alibrandi, autre peintre sicilien bien représenté ici, dans un grand Jugement dernier en assez mauvais état, nous offre, au premier plan, ce nu bien en chair, où la sensualité du corps est gommée par le regard hagard de la fraîche ressuscitée ne sachant trop ce qui lui arrive.
Enfin, un Maître flamand inconnu a garni l’arrière-plan d’une Crucifixion de la collection de tous les instruments de torture possibles et imaginables : ce thème assez fréquent des symboles de la passion paraît ici presque ludique, avec cette juxtaposition décousue d’images flottantes.
Pas vu beaucoup d’art contemporain, ni même moderne. Et la Casa dei Cavalieri, de Giovanni Cammarata, est hélas fermée en août.