“Les vacances de l’amour”

Publié le 17 août 2009 par Jlhuss

Après avril empêtré dans ses fils et mai libéré, l’été est un drôle d’endroit pour une rencontre. LA rencontre. César sortait de réunion lorsque Cléopâtre jaillit d’un tapis de contrebande ; Apollon courrait la brebis lorsque Daphné croisa sa sente en plissé mini… Tout le monde ne peut pas se payer une entrée divine, royale, voire tout simplement romanesque.

Où et quand ? Se demandent les amoureux de l’été en attente de speed. Certains se préparent à la collision en toutes circonstances, au resto, à vélo, en disco… D’autres ne lèvent plus la tête de leurs romans de gare, sûrs que cela n’existe que dans les films.On aura tout vu, tout essayé pour flasher, pour sentir monter la vraie hallucination du cœur, les papillons dans le ventre… C’est l’été merde ! J’y ai droit à ma rencontre ! Déferlant, passionnel, l’amour c’est un coup sinon rien : « la chimie ne ment pas, elle ».  N’écoutant que leurs sens -que du bonheur, Jenifer, que du bonheur- , nos amoureux croient saisir l’amour vrai comme la queue du Mickey, parfois salement tiré par les cheveux. Mathilde de La Môle et Samson, même coiffeur… Ce doit être l’extase, l’Epiphanie ou rien du tout ! Face à la radieuse météo des plages, les urbans lovers sans congés payés passent directement par la case dating. Dans cette partie d’échec jouée « blitz », contraint de séduire façon entretien d’embauche, le cœur sombre dans la drague dure.

Méfiants, même au supermarché, nos tendres artichauts deviennent têtes de gondoles : couleurs de caddies et de paniers spécial célibataire pour trouver l’amour goût fraise ou menthe forte entre les rayons. Ne sortez pas faire vos commissions en tatanes tandis que LA rencontre est potentiellement tapie entre la poire et le fromage ! N’y pensez même pas ! Soirée bachelor en tout lieu, programmation single pour micro-ondes, chat codé sur l’Internet, magazines réservés aux cocottes sans couvercle, jeux télé tentateurs… L’adolescent, notre love prescripteur, plonge notre « rencontre » dans l’idylle texto jusqu’au cou. Coincée entre les statistiques (« 30% des parisiennes sont célibataires »), les vrais dossiers d’investigation journalistique («où sortir pour séduire ? Météo des lieux de drague de vos vacances»), tests estivaux (« êtes-vous faits l’un pour l’autre ») et articles scientifiques (« dois-je coucher la première nuit ? »), les trentenaires en perdent l’usage de la pensée, confondent le moniteur de ski nautique avec Abélard.

Ils en oublient même de regarder leur voisin de palier, heureusement croisé à Corfou, au club, « c’est dingue non ? »

Dingue.

L’ANACHRONIQUEUSE

[1ère diffusion le 25 août 2006]