Les faillites bancaires n'en finissent pas aux Etats-Unis. A preuve, depuis la semaine dernière, 5 banques ont été déclarées en faillite par la FDIC (Compagnie fédérale d'assurance des dépôts bancaires). Parmi elles se trouvait la
Colonial Bank, créée en 1981 et basée à Montgomery,
dans l'Alabama. Spécialisée dans le prêt immobilier et possédant un réseau de 346 agences, elle devient, par la taille de son actif, la plus grande banque à faire faillite depuis le début de
l'année, même si elle ne se classe que 44e dans le dernier classement de la FED.
Ses dépôts (environ 20 milliards de dollars) et l'essentiel de ses actifs (22 des 25 milliards de dollars) ont été repris par la banque BB&T (Bank Branching & Trust), basée en Caroline du
Nord. La FDIC conservera donc le reste des actifs pour une résolution ultérieure... ce qui explique que la FDIC ait estimé à 2,8 milliards de dollars le coût de cette faillite
(3,67 milliards pour l'ensemble de ces nouvelles faillites...) pour son fonds d'assurance. Car n'oublions pas que cet organisme garantit surtout les dépôts des clients, à hauteur
de 250 000 dollars jusqu'en 2013 suite à une promesse du président Obama ! En 2014, le plafond retombera à 100 000 dollars pour les dépôts classiques avec quelques exceptions.
Revenons-en à BB&T : quinzième banque commerciale des Etats-Unis par la taille de son actif, selon le dernier classement de la réserve fédérale américaine, elle deviendra par cette
opération le huitième plus gros holding financier du pays par la taille de ses dépôts. C'est pourquoi, elle s'est ainsi fendue d'un communiqué qualifiant cette
acquisition de "plus grande depuis 137 ans qu'elle existe ". Ce rachat permet aussi à BB&T d'élargir sa zone géographique, jusque-là concentrée essentiellement sur la
Caroline du Nord et la Virginie voisine. Pour l'anecdote, rappelons que BB&T, renflouée par le Trésor américain à l'automne, fut l'une des premières banques à rembourser l'Etat de son
investissement en juin...
Au-delà de la facture qui restera à la charge des citoyens américains (à travers la note de la FDIC notamment), il y a aussi un problème d'organisation du marché qui va se poser avec acuité dans
les prochains mois. En effet, comme c'est déjà le cas au Royaume-Uni avec les fusions gigantesques suivie de nationalisations partielles ou totales, le paysage bancaire va profondément évoluer
suite à la crise. Le problème, c'est que certaines banques vont constituer de véritables monopoles sur certains segments de clientèle, que le régulateur n'aura que peu de chances de limiter
lorsque l'économie ira mieux.
Imaginez dès lors l'imbroglio juridique avec la Commission européenne lorsque cette dernière fera valoir, à juste titre, que ce comportement monopolistique affecte le commerce entre les pays
membres de l'Union européenne et constitue donc, sinon un abus de position dominante, au moins une pratique commerciale restrictive conformément aux article 81 et 82 du Traité instituant la
Communauté européenne. Or, comme le rappelle le commissaire à la concurrence, Neelie Kroes, "les pratiques commerciales restrictives et les abus de position dominante supposent nécessairement
l'existence d'un droit à la réparation des dommages subis pour les victimes d'infractions au droit de la concurrence, et ce qu'il s'agisse de consommateurs ou d'entreprises". Les
contentieux risquent donc d'être légion et de désorganiser encore un peu plus l'Europe économique et politique ! Certes, les juristes feront valoir que l’article 82 du Traité instituant
la Communauté européenne n’interdit pas le monopole ou la position dominante en soi. Il interdit seulement le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une telle
position sur le marché intérieur ou sur une partie substantielle de celui-ci, dans l’objectif d’éliminer ses concurrents. Mais croyez-vous vraiment qu'une banque qui pourrait éliminer son gentil
petit concurrent sur un segment va s'en priver ?
Pour finir, à l'instar de nombreux Américains, vous pouvez vous rendre sur le site de la FDIC dont j'ai parlé plus haut pour y suivre tous les jours - et en première page ! - la liste des banques en faillite et les restructurations envisagées... Il semblerait que ce soit devenu un sport national !