Homélie 20 T.O.B.2009 – Le prêtre, garant d’un culte objectif

Publié le 16 août 2009 par Walterman


Quand Jésus dit qu’il est “le pain vivant qui est descend du ciel”, ce n’est pas pour faire de la poésie. Il nous parle du sacrament de l’Eucharistie, par lequel il se rend vraiment present – corps, sang, âme et divinité – sous les apparences du pain et du vin.

Les autres sacrements nous donnent la grâce de Dieu, mais le sacrement de l’Eucharistie nous donne Dieu lui-même en nourriture. Voilà ce que Jésus veut dire quand il dit :

« Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. »

Jésus répète ce message à sept reprises en l’espace de sept versets, comme pour enfoncer le clou. L’Eucharistie est la nourriture « super-substantielle » qui nous soutient dans la voie difficile du salut et du « développement durable ».

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ».

Ce court passage du discours du Seigneur, dans lequel il met l’accent sur la centralité de l’Eucharistie dans la vie du chrétien, nous aide à vraiment comprendre le commandement de l’Eglise de participer à la Messe chaque dimanche et jour d’obligation. Aujourd’hui l’on aurait facilement tendance à considérer ce commandement comme arbitraire et vieux-jeu, comme si l’Eglise voulait en fait exercer son contrôle, son pouvoir, sur ses « adeptes ». Loin de là ! La Messe est la célébration de l’Eucharistie, et l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie chrétienne sur terre.

La Messe est l’ancre de notre vie spirituelle et morale ; c’est elle qui permet à  tout le reste de se maintenir solidement. Si nous levons cette ancre, tôt ou tard le reste de notre vie partira à la dérive, emporté par le puissant courant de l’égoïsme et de la tentation.

Plus nous comprendrons la raison pour laquelle la Messe est si centrale, plus nous pourrons vivre la Messe en profondeur, et plus nous pourrons aider nos amis et les membres de notre famille qui ont cessé d’y participer, à revenir.

Puisque nous sommes dans l’Année du Sacerdoce, et que la célébration de la Messe est l’activité qui est au cœur de chaque prêtre, c’est une occasion particulièrement indiquée pour réfléchir à cet acte essentiel du culte catholique. Aujourd’hui je voudrais insister sur un des aspects de la Messe : son objectivité. Nous aurons l’occasion, tout au long de l’année à venir, d’en explorer d’autres richesses.  

Nous savons tous que nous avons besoin d’entrer en relation avec Dieu pour trouver l’accomplissement de notre vie. Comme l’enseigne le Catéchisme (n. 45) :

« L’homme est fait pour vivre en communion avec Dieu en qui il trouve son bonheur : " Quand tout entier je serai en Toi, il n’y aura plus jamais de chagrin et d’épreuve ; tout entière pleine de Toi, ma vie sera accomplie " (S. Augustin, conf. 10, 28, 39). »

Eh bien, c’est la Messe qui est notre ancre, parce que c’est elle qui nous met objectivement en contact avec Dieu. D’autres manières de rencontrer Dieu sont précieuses aussi, et même nécessaires, mais isolées de la Messe, elles perdent leur objectivité. Souvent elles dépendent de nos sentiments ou d’autres facteurs externes. Par exemple, si nous participons à une soirée de louange et que nous nous y sentons bien, nous pensons que nous sommes en contact avec Dieu, mais si nous y allons, et que nous nous sentons mal à l’aise, nous nous posons des questions. Quand nous prenons du temps pour la prière personnelle, nous avons souvent des distractions, ou même nous nous endormons, ou ne savons plus quoi dire, et nous ne savons plus si nous prions comme il faut.

Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas participer à ce genre d’actvités ; cela ne fait que mettre en relief la nécessité d’une manière objective de nous approcher de Dieu, une voie qui ne dépende pas d’abord de nos propres idées et sentiments. C’est exactement le cas pour la Messe : la Messe est l’acte du culte parfait, la prière parfaite – objectivement parfaite, car la Messe est la prière même de Jésus Christ, c’est son sacrifice de la Croix, sa manière à lui de rendre un culte au Père, rendue présente pour nous – que nous ayons des sensations agréables ou non.

Le prêtre qui célèbre la Messe en est le garant. Il a été configuré au Christ au plus profond de son être par le sacrement de l’Ordre. Dieu l’a mis à part pour âgir « in persona Christi », en représentant le Christ, si bien que nous puissions être certains que ce culte est bien le culte du Christ lui-même.

Les oraisons, les lectures et les rubriques de la Messe promulguées par l’Eglise sont tout aussi objectives : elles expriment adéquatement les vérités de la foi et les sentiments du Christ lui-même. Ce faisant, elles sont objectivement agréables à Dieu ; elles mettent le doigt exactement là où il faut. Même si le prêtre a l’air un peu désinvolte (grossomodo), même si le bâtiment de l’église est laid, même si le chant sonne faux, même si l’assembée est disparate, même alors, quand nous participons à la Messe, nos modestes efforts pour servir Dieu sont sublimés par le service parfait que le Christ rend au Père.

Comment cela est-il possible ? Nous pouvons considérer la Messe comme une machine à remonter le temps. A chaque Messe Jésus ouvre un chemin à travers l’histoire, en reliant trois choses :

  • L’ici et le maintenant de notre vie quotidienne, avec tous nos combats, nos joies et nos peines ;
  • Le sacrifice historique de son propre corps et de son propre sang sur la croix du Calvaire, par lequel il a réparé les dégâts causés par la désobéissance à Dieu d’Adam et d’Eve ;
  • Et l’offrande qu’il fait éternellement de lui-même au ciel, où il intercède toujours pour nous, comme notre chef et notre grand prêtre, en présence de Dieu le Père.

  Comme le dit le Catéchisme (n. 1410),

« C’est le Christ lui-même, grand prêtre éternel de la nouvelle Alliance, qui, agissant par le ministère des prêtres, offre le sacrifice eucharistique. Et c’est encore le même Christ, réellement présent sous les espèces du pain et du vin, qui est l’offrande du sacrifice eucharistique. »

En d’autres mots, à la Messe nous connectons notre vie terrestre à l’éternité. Nous avons la chance de pouvoir appliquer la grâce du Christ à notre réseau d’expériences, de projets, de relations, comme on met de l’huile dans les charnières ou un baume sur une blessure.

Voilà la raison pour laquelle, tout au long de l’histoire, des catholiques ont consenti tant de sacrifices pour pouvoir venir à la Messe. Aujourd’hui l’Eglise demande d’être à jeun au moins une heure avant de communier. Mais avant Vatican II, le jeûne requis était beaucoup plus exigeant, à partir de minuit, quelle que soit l’heure de la Messe !

Durant la Deuxième Guerre Mondiale, des soldats au front, exténués physiquement et psychologiquement par les horreurs de la guerre, restaient à jeun depuis minuit jusqu’au soir suivant, pour pouvoir recevoir la Communion à le Messe que l’aumônier militaire ne pouvait pas célébrer le matin !

La bienheureuse Pierina Morosini, une jeune femme de l’Italie du Nord, près de Bergame, morte comme martyre de la pureté, comme Maria Goretti, à l’âge de 26 ans, après la mort de son père, devait travailler à l’usine, alors qu’elle voulait devenir religieuse. Cela ne l’a pas empêché de trouver du temps pour faire le catéchisme, visiter les malades, et participer activement à la pastorale des jeunes de sa paroisse, mais aussi pour aller à la Messe chaque jour. Pour cela elle se levait à quatre heures, et après la Messe, elle commençait son travail à l’usine à six heures.

La Messe relie notre vie terrestre à la vie céleste, lui donnant un sens, bien au-delà du sens que nous pourrions lui donner nous-mêmes. L’objectivité de la Messe dominicale, la garantie qu’elle nous offre d’une prière parfaite, indépendamment de nos sentiments et de nos états d’âme, en font l’accomplissement de la semaine qui se termine, et aussi le lancement de la semaine qui commence.

A la présentation des dons, nous offrons à Dieu tout notre travail, nos souffrances, nos joies de la semaine qui se termine, nous donnons à tout cela une valeur d’éternité, nous le déposons à la banque du Ciel. Nous le présentons spirituellement à Dieu, avec le pain et le vin. Cela est symbolisé par l’offrande de la collecte. Et ensuite, vers la fin de la Messe, nous recevons la Sainte Communion, l’offrande que Dieu fait de sa propre vie pour nous, son réconfort, sa grâce, sa présence, pour nous fortifier en vue des combats et des défis de la semaine à venir.

Voilà pourquoi Jésus est fou de joie quand nous obéissons au commandement de l’Eglise en venant à la Messe le dimanche. Voilà pourquoi aussi il souffre tant, quand nous désertons la Messe. Jésus voudrait tant augmenter notre avoir en banque céleste pour nous remplir de sa grâce. Quand nous venons à la Messe, comme nous l’avons fait ce matin, voilà ce que nous lui permettons de faire pour nous.