S. Thomas d'Aquin, Commentaire sur Jean 6 (14)

Publié le 16 août 2009 par Walterman

L’APAISEMENT DU LITIGE SURGI À PROPOS DE LA CONSOMMATION DE CETTE NOURRITURE.


Plus haut, le Seigneur a réprimé le murmure des Juifs né au sujet de l’origine de la nourriture spirituelle. Ici, il met fin au litige qui les opposait sur la consommation de cette nourriture. L’Evangéliste expose d’abord le litige que le Seigneur fait cesser, puis il indique le lieu où cela se passa.

LES JUIFS DONC DISPUTAIENT ENTRE EUX, DISANT: COMMENT CELUI-CI PEUT-IL NOUS DONNER SA CHAIR À MANGER?"

L’Évangéliste introduit le litige par mode de conclusion en disant: LES JUIFS DONC DISPUTAIENT ENTRE EUX; et c’est à juste titre. En effet, d’après Augustin, le Seigneur leur avait parlé de la nourriture de l’unité par laquelle ceux qui sont restaurés sont rassemblés en un même esprit: Les justes festoieront et ils exulteront en présence de Dieu, et ils se réjouiront d’une grande joie, ce qui continue ainsi, d’après une autre version: Lui qui fait habiter ceux qui sont d'un même esprit dans sa maison. Les Juifs, puisqu’ils n’avaient pas consommé la nourriture qui unit les coeurs, étaient donc en conflit: Voici, vous ne vivez que pour vos querelles et vos rivalités. Du fait qu’ils étaient en conflit, ils montraient qu’ils se comportaient selon la chair: Puisque l’envie et la rivalité sont entre vous, n'êtes-vous pas de la chair. Et pour cette raison, ils comprenaient ces paroles du Seigneur selon la chair, c’est-à-dire qu’on mangerait la chair du Christ comme une nourriture terrestre. Ainsi, ils disent: COMMENT CELUI-CI PEUT-IL NOUS DONNER SA CHAIR A MANGER? comme s’ils disaient: c’est impossible; c’est ainsi que leurs pères aussi avaient parlé contre le Seigneur: Notre âme est dégoûtée de cette nourriture sans consistance.

JÉSUS LEUR DIT DONC: "AMEN, AMEN, JE VOUS LE DIS: SI VOUS NE MANGEZ LA CHAIR DU FILS DE L’HOMME ET NE BUVEZ SON SANG,

VOUS N’AUREZ PAS LA VIE EN VOUS. QUI MANGE MA CHAIR ET BOIT MON SANG A LA VIE ÉTERNELLE; ET MOI JE LE RESSUSCITERAI AU DERNIER JOUR. CAR MA CHAIR EST VRAIMENT UNE NOURRITURE ET MON SANG EST VRAIMENT UNE BOISSON.
Mais le Seigneur met fin à ce litige. Il expose d’abord quelle vertu est liée à la consommation de cette nourriture avant d’en donner l’évidence. Il met fin au litige en montrant la nécessité de manger sa chair, l’utilité de cet acte et la vérité de cet aliment.
JÉSUS LEUR DIT DONC: "AMEN, AMEN, JE VOUS LE DIS: SI VOUS NE MANGEZ LA CHAIR DU FILS DE L'HOMME ET NE BUVEZ SON SANG, VOUS N’AUREZ PAS LA VIE EN VOUS. "
Jésus leur dit ces mots comme pour exprimer ceci: vous tenez pour impossible et inconvenant de manger ma chair; or non seulement ce n’est pas impossible, mais c’est même tout à fait nécessaire dans la mesure où, SI VOUS NE MANGEZ LA CHAIR DU FILS DE L’HOMME ET NE BUVEZ SON SANG, VOUS N’AUREZ PAS, c’est-à-dire que vous ne pourrez pas avoir EN VOUS LA VIE, sous-entendu spirituelle. En effet, de même que la nourriture corporelle est si nécessaire à la vie corporelle que, sans elle, la vie corporelle ne peut pas être — Ils donnent leurs objets précieux pour de la nourriture qui leur rendrait la vie et dans le psaume: Le pain fort le coeur de l’homme, ainsi la nourriture spirituelle est nécessaire à la vie spirituelle à tel point que, sans elle, la vie spirituelle ne peut être maintenue: L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
Notons aussi que cette affirmation peut se rapporter soit à la manducation spirituelle soit à la manducation sacramentelle. Si elle se rapporte à la manducation spirituelle, elle n’offre aucune difficulté. En effet, mange spirituellement la chair du Christ et boit son sang celui qui est fait participant de l’unité de l’Eglise réalisée par la charité: Parce qu’il n a qu’un pain, plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous, nous participons à ce pain unique. Donc celui qui ne mange pas ainsi est hors de l’Église et par conséquent hors de la charité; c’est pourquoi il n’a pas la vie en lui: Celui qui n’aime pas demeure dans la mort.
Mais si elle se rapporte à la manducation sacramentelle, ce qui est dit pose un problème. De fait, il est dit plus haut: Personne, à moins de renaître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume des cieux. Et on retrouve ici une formulation semblable: SI VOUS NE MANGEZ PAS LA CHAIR DU FILS DE L’HOMME... Donc, puisque le baptême est un sacrement nécessaire, il apparaît que l’Eucharistie l’est aussi. Cela, les Grecs le reconnaissent; de là vient qu’ils donnent l’Eucharistie aux enfants immédiatement après leur baptême, et là ils ont pour eux le rite de Denys qui dit que la réception de n’importe quel sacrement doit s’achever dans la communion à l’Eucharistie, qui est la consommation de tous les sacrements. Mais cela est vrai pour les adultes, non pour les enfants, puisque de celui qui reçoit l’Eucharistie est exigée en acte une attitude de crainte respectueuse et une soumission aimante; ceux qui n’ont pas l’usage de leur libre arbitre, comme les enfants ou ceux qui ont perdu la raison, ne peuvent avoir [cette disposition] et c’est pour quoi en aucune manière il ne faut leur donner l’Eucharistie.
Il faut donc dire que le baptême, dans sa forme sacramentelle, est nécessaire à tous pour que la grâce sacramentelle soit réellement reçue: sans lui, nul n’est régénéré à la vie. C’est pour cela qu’il faut qu’on l’ait sensiblement, ou par le désir pour ceux qui s’y disposent. En effet, si quelqu’un rejette par mépris le baptême de l’eau, ni celui du feu, ni celui du sang ne lui serviraient pour la vie éternelle. Le sacrement de l’Eucharistie, lui, est nécessaire pour les adultes seulement, qu’il soit reçu sensiblement ou par le désir selon les normes fixées par l’Eglise.