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S. Thomas d'Aquin, Commentaire sur Jean 6 (15)

Publié le 17 août 2009 par Walterman
Mais sur ce point, une autre difficulté s’élève, parce que, d’après ces paroles du Seigneur, non seulement manger son corps, mais aussi boire son sang est nécessaire au salut, étant donné que la nourriture ne restaure pas parfaitement sans la boisson. Or la coutume de certaines Eglises est que le prêtre seul communie au sang et que les autres communient seulement au corps: ce fait paraît s’opposer à cette affirmation du Christ.
Je réponds en disant que, selon une antique coutume de l’Eglise, tous communiaient au sang comme au corps, ce qui, maintenant encore, est conservé dans certaines Eglises où toujours ceux qui servent à l’autel communient aussi au corps et au sang. Mais à cause du risque de le renverser, dans certaines Eglises on a retenu que le prêtre seul communiait au sang, les autres au corps. Cependant, ce n’est pas contraire à la sentence du Seigneur: celui qui communie au corps communie aussi au sang puisque, sous chacune des deux espèces, est contenu tout le Christ avec son corps et son sang. Mais sous les espèces du pain, le corps du Christ est contenu en vertu de la conversion, le sang à cause de la concomitance naturelle; et sous les espèces du vin, le sang du Christ est contenu en vertu de la conversion, le corps à cause de la concomitance naturelle.
On voit ainsi la nécessité de prendre cette nourriture spirituelle.
Les paroles qui suivent montrent l’utilité de ce sacrement d’abord quant à l’esprit ou l’âme, ensuite quant au corps.

 QUI MANGE MA CHAIR ET BOIT MON SANG A LA VIE ETERNELLE.

L’utilité de cette manducation est donc grande puisqu’elle donne la vie éternelle, ce qui fonde l’affirmation du Seigneur. Cette nourriture spirituelle, en effet, est semblable en quelque sorte à la nourriture corporelle en ce sens que, sans elle, il ne peut y avoir de vie spirituelle, pas plus qu’il ne peut y avoir de vie corporelle sans nourriture corporelle, comme on l’a dit. Mais en outre, il lui appartient de causer une vie sans fin en celui qui la prend, ce que la nourriture corporelle ne réalise pas. En effet, ce n’est pas pour l’avoir prise qu’on vivra, car, comme le dit Augustin, "il peut se faire que, par la vieillesse, la maladie ou quelque autre cause, ceux qui l’ont prise meurent". Au contraire, celui qui prend cette nourriture et cette boisson, c’est-à-dire celle du corps et du sang du Seigneur, A LA VIE ETERNELLE. C’est pour cela qu’elle est comparée à l’arbre de vie: C’est un arbre de vie pour celui qui l’aura saisie, et de là vient qu’elle est appelée pain de vie: La Sagesse l’a nourri d’un pain de vie et d’intelligence. Il dit donc LA VIE ETERNELLE, parce que celui qui mange ce pain a en lui le Christ qui est le Dieu véridique et la vie éternelle. Mais celui-ci a la vie éternelle qui mange et boit comme il le faut: non seulement sacramentellement, mais aussi spirituellement. En effet, celui-ci mange et boit sacramentellement qui se limite à consommer ce sacrement; mais il mange et boit spirituellement, celui qui atteint la réalité du sacrement dans ses deux dimensions: l’une signifiée et contenue, qui est le Christ dans son intégrité, caché sous les espèces du pain et du vin; l’autre signifiée mais non pas contenue: le corps mystique du Christ, qui est dans les prédestinés, les appelés, les justifiés.
Ainsi donc, il mange la chair et boit le sang spirituellement en référence au Christ contenu et signifié, celui qui lui est uni par la foi et la charité, de telle sorte qu’il est transformé en lui et en devient membre. En effet, cette nourriture ne se change pas en celui qui la prend; elle le change en elle, d’après ce passage d’Augustin: "Je suis la nourriture des grands; grandis et tu me mangeras. Et tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ta chair; mais c’est toi qui seras changé en moi". Et c’est pourquoi elle est la nourriture qui a le pouvoir de diviniser l’homme et de l’enivrer de la divinité.
Il en va de même en référence au corps mystique seulement signifié si celui qui communie devient participant de l’unité de l’Eglise. Donc, celui qui mange ainsi A LA VIE ETERNELLE. En référence au Christ, on l’a suffisamment montré. De même en référence au corps mystique, il aura nécessairement la vie éternelle s’il persévère. En effet, l’unité de l’Eglise est réalisée par l’Esprit Saint— Il n a qu’un corps et un Esprit —, qui d’après le début de l’épître est le gage de notre héritage. Elle est donc grande, l’utilité de cette nourriture, puisqu’elle donne la vie éternelle à l’âme. Mais elle est grande encore parce qu’elle donne la vie éternelle au corps.



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