Il y a quelques mois, Délits d’Opinion était revenu sur la crise de l’immobilier et les doutes que les Français exprimaient à ce sujet. Après l’effondrement des bourses mondiales au cours de l’hiver, le début d’été semble annoncer une pause. Concernant le marché des biens immobiliers, les baisses annoncées se sont confirmées dans des zones déjà fortement touchées alors que les grands centres urbains, et Paris, n’ont pas observé de modifications exceptionnelles.
Dans plusieurs années, lorsque l’on se retournera pour jeter un coup œil à la période économique que nous vivons actuellement, beaucoup citeront Lehman Brothers, les traders et Wall Street… oubliant un peu rapidement que ce sont des petites maisons de la banlieue de Cleveland qui ont donné naissance à la crise, ce « 11 septembre économique » pour reprendre l’expression de Laurence Parisot. En effet, les subprimes sont nées de l’autre côté de l’Atlantique et si la crise est désormais financière, il est bon de garder en tête qu’elle est née sur des chantiers.
Certes, la crise n’était pas purement immobilière puisqu’elle découlait en réalité du mode de financement des habitations mais l’idée selon laquelle « la pierre ne trompe pas » semble aujourd’hui un souvenir lointain. Ainsi, les conséquences des investissements immobiliers sur l’économie et la finance ont fini par impacter le marché de l’immobilier lui-même, d’abord le neuf puis l’ancien.
Dans des périodes d’interrogations, de questionnements et de doutes, l’opinion a toujours eu besoin de se raccrocher à des certitudes, mais la déstructuration du système économique actuel pour ne pas dire la faillite du capitalisme ultralibéral poursuit de fragiliser les fondations de notre « foi immobilière ».
Devenir propriétaire : entre rêve et aboutissement personnel
La révolution digitale et la croissance de l’immatériel tendent à faire disparaître nos réflexes et nos habitudes matérialistes. Pourtant, malgré cette évolution partout vérifiée, l’accession à la propriété séduit toujours. En effet, selon une récente enquête réalisée par IPSOS pour le Crédit Foncier , 70% des non-propriétaires se déclarent intéressés par la possibilité d’acheter leur logement principal. Il y a dans cette réponse un message fort qui décrit l’envie, sinon le besoin d’appartenir au groupe social des « propriétaires ». La même étude indique également que l’accession à la propriété est un point de passage, au même titre que l’entrée sur le marché du travail ou le fait d’avoir des enfants. Pour une très large majorité, devenir propriétaire c’est une fin et cela représente une « étape de la vie » pour 83% des personnes interrogées.
La Bourse ou la pierre !
La chute vertigineuse des marchés financiers partout dans le monde a mis fin aux fantasmes de certains « golden boys » et a redonné – partiellement – un regain d’intérêt aux placements immobiliers : l’écroulement des gratte-ciels de la finance a redonné un peu de lumière à la pierre. Selon l’institut IPSOS, 69% des individus interviewés voient la propriété comme « un rempart à la précarité» tandis que 83% affirment que le fait d’être propriétaire permet de « bénéficier de réelles assurances quant à son niveau de vie futur ». Dans l’imaginaire collectif, « avoir un toit » permet de se protéger et d’affronter l’avenir plus sereinement. Ainsi, avec la crise, le fossé entre les spéculateurs des marchés financiers et les investisseurs immobiliers n’a jamais été aussi grand. Le choc économique et la remise en cause du modèle purement spéculatif devaient conduire les investisseurs à se réfugier dans la pierre…
Pierre qui roule
Nos économies sont aujourd’hui tellement imbriquées les unes dans les autres qu’il aurait été impensable de préserver un îlot de prospérité dans le contexte actuel. Une étude menée par le Crédit Foncier démontre que l’industrie de l’immobilier est en danger. Pour 2008 le nombre de ventes à diminué de 37,6% et le délai d’écoulement moyen d’un bien est passé de 11 à 21 mois. L’enquête IPSOS confirme cet état de fait et 78% de l’échantillon sollicité affirme qu’il est aujourd’hui plus difficile de devenir propriétaire depuis quelques années. La raréfaction des capitaux provoque un assèchement du marché de l’immobilier… Et soudain la pierre roule.
Dans un contexte de crise, les ménages, tout comme les entreprises, témoignent d’un manque de visibilité évident et affirment craindre l’avenir. Ainsi, l’accession à la propriété devient symbole d’endettement (35%) alors que plus d’un tiers des Français disent s’inquiéter pour leurs revenus (35%).
Aux origines de la crise
Les craintes exprimées par les particuliers concernant l’éventualité d’engager un emprunt impactent directement le marché de l’économie réelle. En effet, les banques affirment observer une baisse importante de la demande du crédit immobilier bien que 52% des personnes interrogées par IPSOS déclarent faire confiance à leur banque lorsqu’il est question d’emprunt. La tendance à la baisse s’observe auprès de tous les organismes bancaires à l’exception du Crédit Foncier qui, ayant anticipé certaines mesures gouvernementales, voit son offre remporter un franc succès. Ce qui semble évident, c’est que l’opinion publique a, déjà intégré la crise. Si dans de nombreux cas l’opinion précède ou relaie des vérités factuelles, on peut dire que l’immédiateté de la crise a réduit ce délai. En effet, 78% des personnes interrogées par TNS Sofres estiment que « le marché immobilier va mal ». Cependant, l’évocation d’un marché « surévalué » par 85% des individus permet d’atténuer le ressenti négatif concernant cette baisse car elle devrait permettre un rééquilibrage des prix du marché.
Accalmie ou rebond ?
Au début du mois de février, l’institut TNS Sofres a publié une étude pour le promoteur immobilier Nexity où il laisse entrevoir un léger rebond du marché. En effet, 8% des Français déclaraient avoir un projet d’achat dans les douze mois à venir lors de l’enquête du mois de septembre 2008 alors qu’ils sont 11% en ce début d’année. De plus, un tiers des personnes qui souhaitaient acheter un bien immobilier déclarent n’avoir que « décalé » leur projet. Ces arguments, certes modestes, offrent un peu d’espoir à un secteur qui menace de supprimer de nombreux emplois (83% des individus le pensent selon TNS Sofres) mais il semble qu’il faille bien plus qu’un sondage pour redonner à la pierre son lustre d’antan.