Un des ouvrages de cette rentrée littéraire sera pour nous celui de François Bon, L'incendie du Hilton. Un des chapitres du roman nous a particulièrement interpellés, le 13. De l'édition et du commerce des livres.
« Tirage, grattage... Et si au lieu d'édition on parlait de ces jeux ? Vous achetez pour presque rien, un euro, deux euros, la liste des titres est déjà une langue à elle seule. »
Le programme est démentiel, l'analogie furieusement intéressante : jeux de grattages ou tirages, auparavant privilège des buralistes, posent aujourd'hui problème. Un tiers du chiffre d'affaires de ces commerçants provient de leur vente : « Un joli petit ticket brillant à temps d'usage limité : temps d'usage strictement identique à sa consommation », décrit François Bon, qui va aller chercher tout près de lui le raccord de sa référence : les romans de gare.
Certes, la définition n'est pas « exacte », mais imaginons... Existe-t-il une littérature faite pour être exposée sur les étals, bien horizontalement et une autre, prise dans la verticalité des rayons, des étagères ?
« Les livres sont de jolis petits objets brillants, qui après usage doivent susciter l'envie du suivant : l'enfer des Jeux est déjà devenu le présent du livre... »
Or si les buralistes se sentent perdus, que penser des librairies ? Et les éditeurs, que font-ils pour réagir ?
« Tirage, grattage, je ne vous parlerais que de cela, que j'aurais tout dit quant au livre... Ne pas placer trop d'argent dans un seul objet, multiplier ces tickets à 1 ou 2 euros, l'impression que c'est ce qu'on a déjà dans la poche... Regardez comme on fait toutes ces années : des centaines de livres qui paraissent en même temps, et tous se ressemblant, et puis trois ou quatre d'entre eux qui décrochent la timbale et permettent au système de s'entretenir. »
Mais la timbale arrive, avec un cortège de questions sur le jeu de l'édition aujourd'hui :
« Tirage, grattage ? Souvenez-vous de ce tollé : maintenant, les tickets seraient vendus dans les hypermarchés... Alors donc, fini, plus besoin de magasins spécialisés. Mais les livres, où les achetez-vous donc ? Et comment, nous autres, faire en sorte qu'un livre résiste dans un hypermarché ? Vous croyez que c'est tendre ? Premier rayon, ce qui est au-dessous de la ceinture : compte pas. Ce qui est trop haut : compte pas. Ce qui sort de votre champ visuel quand vous vous plantez devant : compte pas. On évalue à un tiers ceux qui contournent le présentoir accueil face. Là, mettez les solides, ceux qui incitent à faire le tour : ce qui s'est vu à la télévision, ce qui parle de politique, et du travail intérieur de l'âme. Ayez toujours un livre sur l'évolution intérieure de l'âme. Déclinaisons multiples, mais toujours un. Puis, encore à l'arrière, les utilitaires, vous avez une petite place là pour les découvertes. Et ce ne serait pas un métier comme à la Française des jeux ? »
Passages reproduits avec l'aimable autorisation de François Bon.