Je suis très frappé par une forme de parallélisme entre 2 débats politiques actuellement, le débat sur l’introduction d’une Sécurité Sociale aux Etats Unis - débat qui montrera vraiment quelle est la stature de Barack Obama - , et le débat naissant sur une “contribution” carbone (on me permettra de ne pas succomber à la facilité du mot taxe, je n’ai pas noté qu’on parlait de TSG) de ce coté de l’Atlantique.
Au passage, on notera l’avance du “vieux” continent, le débat sur la sécurité socialiste étant une question du “XXe siècle” résolue depuis plusieurs dizaines d’années (même chez nos camarades anglais si libéraux en apparence), et ou on aborde “la question” du XXIe siècle. Espérons que les améraicains n’aborderont pas le réchauffement climatique au XXIIe siècle.
Il est hors de question en cet été de balayer l’ensemble du sujet de la “contribution carbone” en un seul billet d’été, le nombre de débats liés a ce sujet, qui vise rien de moins qu’une évolution structurelle de nos comportements, étant énorme.
Je reproduis ci après un texte de mon “camarade” Thomas Piketty pour contribuer a la réflexion sur la dimension redistributive.
Je partage cette vision redistributive. La contribution carbone ne peut bien évidemment être un nouvel impôt (ne parlons même pas du projet initial de la substituer a la taxe professionnelle), c’est un “salaire différé” comme aurait dit mes camarades de Force Ouvrière voici quelques années (à l’époque ou la droite disait “charges sociales”).
Pour autant (voir le texte joint) la dimension sociale peut être discutée. Pour ma part il me semble qu’une redistribution de la contribution pourrait s’opérer sur une base régionale.
En effet, le produit de cette contribution pourrait être ciblée et redistribuée en fonction des contraintes environnementales locales.
Pour prendre un simple exemple, en Ile de France un redistribution massive du produit de la contribution sous la forme d’une réduction du tarif des transports en commun (pouvant aller vers un prix unique de la “carte orange” ou “pass navigo” sur l’ensemble de la zone ou vers des tarifs ciblés par populations) serait certainement un vrai moyen de contribuer aux changements de comportement (et à la justice sociale au passage).
Dans d’autres régions, cette même redistribution pourrait s’opérer vers des questions de chauffage des logements, de mise en place de transports “à la demande” etc. etc. etc. en fonction des particularités régionales
Ce projet existait déjà à travers la part “régionale” de la TIPP, il me semble qu’il est aujourd’hui temps de la formaliser et de l’étendre. On reviendra très largement sur ce sujet majeur.
David Dornbusch
Secrétaire de la section socialiste de Fontenay sous Bois - Blog d’actualité politique de la 6° circonscription du Val de Marne (Fontenay sous Bois, Vincennes, Saint Mandé)
Interview de Thomas Piketty dans le Monde
Le projet de taxe carbone s’annonce-t-il différent des autres impôts ?
En principe, une “taxe carbone” réussie se distingue de la fiscalité verte à l’ancienne par le fait qu’elle est entièrement guidée par des objectifs écologiques cohérents, et non par des considérations budgétaires et politiques. Mais pour l’instant, on a du mal à comprendre en quoi les projets évoqués vont vraiment révolutionner la fiscalité écologique existante.
Il existe ainsi depuis 1948 la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), qui dépasse 50 centimes d’euro par litre d’essence. Le rapport Rocard préconise la première année une taxe carbone de 32 euros par tonne de CO2 émise, ce qui se traduirait pour l’essence par une taxe additionnelle de 7 centimes par litre. C’est sans doute une bonne chose, mais est-ce vraiment révolutionnaire ? Sans un réel effort pédagogique, les gens auront le sentiment qu’on invente une nouveau concept grandiose pour faire passer une bonne vieille augmentation de la TIPP, comme il y en a eu des dizaines depuis des décennies pour boucher les trous des finances publiques et financer les priorités politiques du moment.
Le niveau de la taxe carbone projeté vous paraît-il assez élevé ?
Christine Lagarde a jugé ce matin sur France Inter ce montant “trop élevé”. Je ne suis pas spécialiste de ces sujets, mais j’ai du mal à croire qu’une taxe additionnelle de 7 centimes par litre va véritablement changer les comportements. Quant à l’augmentation prévue d’ici 2030, avec un prix de la tonne de C02 passant de 32 à 100 euros, elle correspond, si je comprends bien, à une taxe additionnelle d’un peu plus de 20 centimes par litre d’essence en 2030. Je peux me tromper, mais il ne me semble pas qu’on va changer de civilisation avec un tel instrument. La hausse prévue n’est d’ailleurs sans doute pas très éloignée de celle appliquée ces dernières décennies. La montagne a accouché d’une souris… et en plus, d’une souris qui fait peur !
Si l’on souhaite véritablement changer les comportements, il faudrait sans doute envisager une progression beaucoup plus forte des prix de l’énergie, mais avec une très grande transparence sur la redistribution intégrale aux ménages des recettes ainsi collectées, ce qui n’est pas du tout le cas dans les projets actuels.
Le gouvernement parle plutôt de maintenir les prélèvements obligatoires constants. Mme Lagarde a estimé qu’il “faut diminuer en parallèle quelque chose qui n’a pas beaucoup de sens économiquement. On peut penser aux taxes sur les entreprises, aux charges sociales”. Qu’en pensez-vous ?
Consacrer les recettes de la taxe carbone à des baisses en faveur des entreprises, notamment à celle de la taxe professionnelle souhaitée par Nicolas Sarkozy, constituerait une véritable provocation. Les industries les plus polluantes seront en effet exonérées de la taxe carbone, au motif qu’elles sont déjà soumises aux quotas européens d’émissions de gaz à effet de serre. Or, jusqu’en 2013 au moins, elles ont seulement à payer quand elles dépassent les quotas qui leur ont été fixés : elles ont obtenu gratuitement les quotas initiaux. Elles bénéficeraient donc du produit de la taxe carbone sans rien payer ! Le gouvernement prend le risque de décrédibiliser une belle idée.
Vous suggérez plutôt une redistribution des recettes sous la forme de “chèques verts” déjà évoqués, aux particuliers ?
Une redistribution serait la seule façon d’obtenir un consensus sur la hausse des prix de l’énergie et de rompre avec la fiscalité existante. Le point essentiel est que le montant du chèque vert doit être indépendant de la taxe carbone payée par chacun : il serait probablement forfaitaire, les petits consommateurs y gagneraient donc, tandis que les gros consommateurs toucheraient moins que ce qu’ils ont payé en taxe carbone. Même si quelqu’un a payé 100 euros en taxe carbone et touche la même chose en chèque vert, il verra que le prix de l’énergie augmente relativement à celui des autres biens, que son pouvoir d’achat global ne baisse pas et que ces 100 euros peuvent être utilisés pour d’autres dépenses.
Faut-il comme le préconise Michel Rocard que les plus aisés ne bénéficient pas de ce chèque, et que son montant soit plus élevé si vous vivez par exemple en milieu rural, sans accès aux transports en commun ?
Je suis partisan d’une redistribution sociale, mais les premières pistes manquent de précision, et cela paraît compliqué. J’ai peur que l’on cherche surtout à enterrer l’idée d’une redistribution intégrale des recettes aux ménages.